léo leicester ϟ your ex-lover is dead

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YOUR EX-LOVER IS DEAD ϟ Dans le silence et dans la droiture des règles, Angus trouve toujours une certaine sérénité. Parcourant les longs corridors du cloître de Magdalen comme Pac-Man parcourt son labyrinthe électronique, selon un itinéraire longiligne, Angus sifflote calmement l'air de Your Ex-Lover is Dead, la tête et le cœur vides. Avril signifie fin des cours et des stages, début des examens, approche de l'été, recherche d'emploi, planification de voyage... C'est donc le moment parfait pour aller vagabonder et respirer l'air du printemps dans cet endroit d'Oxford où la parole est interdite. À l'extérieur, dans le soleil d'Avril, des élèves rient et s'échangent frisbee ou notes de cours, le cas dépendant. Lui, il a son sarrau sous le bras, il revient de l'hôpital où il passe ordinairement les vendredi matins.

C'est alors qu'elle tourne un coin qu'il l'aperçoit.

Ça lui est souvent arrivé dans les dernières années de tourner la tête lorsque une crinière rose ou bleue attire son œil, mais il n'en fait pas un cas. Il ferme ses yeux, il inspire, il poursuit son chemin. Ça lui est arrivé aussi, surtout après avoir bu deux ou trois whiskys après une heure du matin, de retomber dans une partie du cimetière de ses pensées où un sépulcre est orné des marguerites dont la simple vue lui rappellent son souvenir. Mais il tente de ne pas en faire un cas. Il ferme ses yeux, inspire, pense à autres gens. Le silence et la droiture des règles de sa vie, comme ceux du cloître, gardent son esprit du côté ensoleillé des choses. Il n'y a qu'une seule fois où la vie d'Angus n'a pas été à l'image des couloirs de ce cloître, un moment de son adolescence où les seules règles qui le régissaient étaient dictées par une marguerite lumineuse du prénom d'Eléonore. Angus se prépare à tourner les talons, une fois de plus. De toutes façons, ce n'est pas Eléonore. Ça ne pourrait être elle. Pas ici. Alors qu'il met un pied à l'extérieur du cloître, infiniment lentement, elle se retourne.

Il fige sur place, observant de loin le soleil dessiner les fins contours de son profil. Eléonore Leicester. Eléonore Daisy Leicester.

Il y a eu d'autres filles qu'elle depuis, évidemment, mais jamais aussi longtemps, jamais aussi fort. Jamais assez fort, du moins, pour se perdre dans leurs yeux, pour faire des siestes l'été dans des parcs publics, pour poser la tête sur leur ventre, pour dire je t'aime... Toutes ces filles-là, celles qu'il a mal aimées parce qu'il ne pouvait plus, parce qu'il était sans moyens, s'il les voyait avec un autre garçon, Angus réagirait de la même manière. Good on you, se dirait-il, souriant paisiblement et envoyant peut-être un bonjour de la main. Good on you. Mais cette fois-ci, ce n'est bon pour personne. Il a fait un tel effort de couper les ponts qu'il s'imaginait peut-être, au fond, qu'il n'allait jamais la recroiser. Que deux, trois clics sur Facebook, sur Instagram, sur l'écran tactile d'un iPhone, suffisent réellement à effacer quelqu'un d'une vie. L'affiche publicitaire de Eternal Sunshine of the Spotless Mind lisait : You can erase someone from your mind, getting them out of your heart is another story. Le cœur d'Angus bat de plus en plus vite. Good on you, Léo Leicester. Tu es toujours plus jolie que les milliers de marguerites qui couvraient Pinner Memorial Park lorsque nous allions gaspiller nos après-midis d'été—good on you. Good on you.

Il est trop tard. Les pieds d'Angus le traînent dans sa direction.

Elle a repris sa route mais il la suit au parfum—cette douce fragrance estivale qui, même en hiver, guérirait les engelures—feignant d'observer attentivement le parcours du frisbee que s'échangent deux étudiants par-dessus la tête de leurs camarades qui apprennent une leçon x, une leçon y. Je vais amèrement regretter tout ce que je suis en train de faire, chuchote la bonne conscience d'Angus, perchée sur son épaule ; good on you, Angus Rosenbach, répond la mauvaise conscience, lovée au creux de son cou.

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❝ Your ex-lover is dead ❞
Angus & Eléonore

S’il y a bien un endroit qu’affectionne Eléonore à Oxford, c’est bien ce cloître : l’ambiance y est majoritairement aussi calme que l’âme de la jeune femme est similaire à une mer qui peut s’agiter en un rien de temps. C’est pour ça qu’elle aime autant à s’y rendre, ça l’apaise, peu importe dans quel état se trouve sa « mer » intérieure. Elle y vient bien souvent pour dessiner, ou encore pour savourer la quiétude des lieux. Un petit break reposant dans sa vie qui est bien loin de l’être, partagée entre les cours, la famille, ses amis et les fêtes. De manière aléatoire, elle se réfugie donc en cet endroit, qui lui sert occasionnellement de lieu de rendez-vous avec certains de ses amis. Aujourd’hui, elle y est restée quelques temps, afin de réaliser un travail pour l’un de ses cours. L’une de ses camarades de classe lui a tenu compagnie, lézardant au soleil alors qu’Eléonore dessinait. Et comme toujours lorsqu’elle dessine, elle ne voit pas le temps passé, ça n’est donc qu’une fois sa comparse revenu à son niveau pour lui signaler l’heure qu’il était qu’elle a décidé de mettre fin à sa séance. Elisa, l’amie d’Eléonore, lui rappelle qu’elles sont invitées à boire un café chez son petit-ami, sachant que parler de café à sa camarade est l’un des meilleurs moyens de détourner son attention de l’Art.

Elisa, en remarquant les regards que certains étudiants posent sur le duo, taquine Eléonore sur le fait qu’être en sa compagnie n’aide pas à passer inaperçue, et donc, à être en mesure d’éviter les gens qu’elle n’a guère envie de voir. Ce qui déclenche une réaction relativement puérile chez Léo, qui lui tire la langue. Le duo est interpellé par une de leur connaissance, qu’elles croisent bien souvent lors des soirées étudiantes auxquelles elles assistent régulièrement. Les deux jeunes femmes s’arrêtent donc pour échanger quelques mots avec le jeune homme, qui leur parle d’une grosse fête qu’il est en train de préparer, et à laquelle elles sont bien entendu invitées. « Je vais à aucune fête tant que j’ai pas eu mon café aujourd’hui ! », déclare d’un ton espiègle Eléo, tout en s’étirant. Dans son mouvement pour s’étirer, elle se tourne quelque peu, faisant ainsi face au cloître, et fini par se figer en reconnaissant une silhouette douloureusement familière, à quelques mètres d’elle. En temps normal, elle aurait fait demi-tour ou fait mine de ne pas l’avoir vu. Mais elle ne peut s’éclipser ainsi, car leurs regards se sont brièvement croisés. Partir ainsi serait relativement grossier. Sans oublier que ça épuise Léo d’agir ainsi, même si, bien heureusement, elle ne s’est retrouvé que rarement dans une telle situation, Oxford étant très étendue. « Ca va, Eléo ? », demande Elisa en voyant que son amie est étonnamment figée et muette depuis quelques secondes : ce qui est bien inhabituel chez l’artiste, qui, lorsqu’elle est dans un état normal, est plutôt bavarde et dynamique. « Ouais ouais, juste une vieille connaissance que je dois aller saluer. », lance Léo tout en se dirigeant vers Angus, ne se souciant même plus de ses deux amis.

Arrivée auprès de son ex, Eléo ne trouve rien de moins stupide que de lâcher un « Angus » étonné. Fort heureusement, elle parvient à sortir de sa stupéfaction en secouant la tête, faisant danser sa crinière arc-en-ciel autour d’elle, pour dire : « Comment vas-tu ? ». Ouais, réflexion faite, Léo réalise que c’est pas forcément une réplique plus intelligente, mais c’est la seule qui lui soit venue à l’esprit. Après tout, que dire à quelqu’un dont elle n’a plus aucune nouvelles (et à qui elle n’en a donnée aucune) depuis des années ? A bien y réfléchir, la jeune femme aurait préférée ne pas être dans une telle situation, c’était plus simple lorsqu’Angus était une simple silhouette qu’elle a croisée très rarement, qu’un simple fantôme de son passé qui la hantait encore plus vivement que ses autres fantômes. Cependant, elle doit admettre que l’envie d’aller le voir l’avait assailli les rares fois où elle l’avait reconnu (oui, elle était sûre que c’était lui, étant en mesure de le reconnaître entre mille). Et puis, il n’y a pas Avery, c’est déjà ça. Sans oublier que ça ferait plaisir Grace, demi-sœur de l’artiste qui n’a de cesse de raviver le souvenir d’Angus en elle en lui suggérant d’essayer de le retrouver et renouer contact. Pas sûre que ça soit une si bonne idée que ça, mais Eléo agit parfois sans vraiment réfléchir.... Plus encore lorsque cela concerne Angus, son cerveau a toujours eut du mal à fonctionner correctement à son encontre.

HJ:

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Le plus la décision est prise rapidement, le plus l'impact est radical ; on ne soupèse pas le pour et le contre, on ne fait que subir les conséquences manichéennes de notre absence momentanée de cerveau. Pourquoi filer un ancien amour dans un cloître, une belle journée de printemps, alors qu'on pourrait se contenter d'aller déguster bière et fish & chips, downtown Oxford, lunettes de soleil sur le nez ? Ne cherchez pas l'explication logique—il n'y en a pas. Il n'y a que le masochisme mélancolique qui résiste au temps et aux saisons, qui ne se lave pas du cœur, même à l'eau de javel. Il n'y a que les yeux d'Eléonore, fixés dans les siens, une demi-seconde. Ces yeux, il les reconnaîtrait parmi mille, bien sur, comme il reconnaitrait ceux de sa mère, où d'Avery, mais ces yeux, ils réveillent en lui une tempête ancestrale, le déluge d'un autre monde qui ne lui appartient plus. Voilà pourquoi il s'empêche de penser à Eléonore : depuis qu'ils ne sont plus ensemble, les étoiles ont changé d'alignement, le monde, qui, en sa compagnie, était en constant tremblement, s'est replacé, s'est dégivré, s'est fixé. Fixé comme leur regard partagé qui dure un moment de trop, assez pour qu'il soit trop tard pour se retourner lorsqu'elle le rattrape alors qu'il évaluait les sorties de secours de cet avion de relation qui n'a pour itinéraire que la chute libre.

LÉO— Angus. Comment vas-tu ?
ANGUS— M—bien ! Bien. Comment aller mal quand il fait si beau dehors ?

Il n'a pas tort. Le printemps est la période la plus facile de l'année pour Angus, comme pour bien d'autres. Tout revit, tout renait, c'est le moment de faire peau neuve et de tracer une croix sur les durs sentiments de l'hiver. Au moment de lui retourner la question, la voix d'Angus se brise. Il est toujours étrange de constater le cycle qui s'opère entre deux personnes qui se sont aimées : d'abord on est des inconnus, ensuite on se connait mieux que l'on connait la géographie de son propre cœur, ensuite on ne peut plus imaginer la vie sans l'autre, ensuite on est dans le décor surréel d'un cloître au printemps, à des milliards de kilomètres métaphysiques du point de départ, à se dire qu'il fait beau dehors et à constater l'absurdité des relations humaines.

ANGUS— Et toi, comment ça va ? T'as l'air en pleine forme, Eléonore—

Avec toute la grâce que le dieu du malaise lui a accordé, Angus gesticule, mimant les cheveux de son interlocutrice. Couleur ? Longueur ? Coupe ? Dieu seul sait ce qui file en ce moment entre les deux oreilles du petit Rosenbach, d'ordinaire si éloquent.

ANGUS— —tes cheveux—

Il laisse retomber ses mains et affiche un petit sourire désolé. Mieux vaut essayer de terminer sa phrase et sauver au moins son honneur syntaxique.

ANGUS— Tes cheveux ont l'air en pleine forme également.

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❝ Your ex-lover is dead ❞
Angus & Eléonore

Elle n’aurait pas dû aller vers lui, elle le sait, elle le regrette déjà. Enfin, un peu. Elle s’est su perdu dès lors que leurs regards se sont croisés. D’un seul coup, Angus est devenu sa lumière, et elle est devenue un papillon, se rendant connement vers la source lumineuse, partiellement consciente que ça n’était pas l’idée du siècle. Et incapable de faire demi-tour. Détendue, elle parait dans son élément, comme si cela ne lui fait rien de lui faire face. Cette conversation sera quitte ou double, elle le sait. A l’issue des quelques mots qu’ils vont échangés, ils vont devoir décidés s’ils veulent essayer de renouer, de se reparler s’ils se recroisent à l’avenir, ou s’il est préférable pour eux de s’éviter, définitivement. Cela l’angoisse, mais elle ne laisse rien paraître. Elle réfléchira plus tard, priant pour ne pas être en train de jeter du sel sur une plaie qu’elle pensait cautérisée depuis quelques temps.

Un sourire désabusé se dessine sur le visage de l’artiste quand Angus lui répond, sentant que cette conversation lui est encore plus inconfortable qu’à elle. Elle aimerait lui adresser un sourire réconfortant et lui prendre la main, comme elle le faisait autrefois, lorsqu’il arrivait à Angus de se sentir mal à l’aise ou de faire une crise d’angoisse. Elle ignore juste si ça tient du vieux réflexe, ou si c’est là un autre effet du manque de lui qu’a provoqué en elle leur rupture : comme une camée, elle pourrait se damner pour une autre dose d’Angus. Et ce, tout en sachant que l’idée est potentiellement des plus stupides, pour l’un comme pour l’autre, au vu de leur passé.

« On fait aller ! », répond Eléo d’une voix neutre. C’est bien l’une des rares fois de sa vie où elle dit une telle chose à Angus. A l’époque où ils étaient ensemble, Léo répondait à cette question soit un « Parfaitement bien ! », soit un « Fous-moi la paix, c’est la merde, y’a rien qui va ! Putain, fais chier ! ». Qu’elle soit donc capable d’avoir une réponse relativement posée indique le chemin qu’elle a traversé depuis le temps, même si elle est loin de pouvoir se déclarer guérie, elle qui a encore besoin de colmater les stigmates de son passé en se réfugiant bien trop souvent dans le monde de la débauche. Et parfois, la débauche côtoie la connerie, comme le montre ses cheveux : « Oh, oui, ils vont bien ! », dit-elle en parlant d’eux. « Mais ils vont bientôt changer de couleurs pour une soirée à venir ! ». Ce qu’elle ne dit pas, c’est que la soirée, costumée, aura pour thème les personnages imaginaires et magiques, et qu’elle a déjà choisit son déguisement. Elle sera Rainbow Dash, de My Little Pony. Ses cheveux arboreront donc les couleurs du poney volant, et elle aura le déguisement assorti. A cette simple perspective, la jeune artiste sourit, impatiente d’y être. Mais elle n’est pas pour autant perdue dans ses pensées, la proximité d’Angus lui interdit de divaguer.

Avisant la blouse qu’il tient, elle décide à l’interroger, peu désireuse que la conversation cesse aussi rapidement : « Tes cours se passent bien ? ». Basique, oui, on en convient, mais c’est la seule idée qui lui soit venue à l’esprit, pour rester un peu plus longtemps à profiter de cette piqure imprévue de son ancienne drogue préférée, et aussi pour en savoir un peu plus sur la vie du jeune homme.

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Il ne faut pas plus qu'une légère brise et qu'un sourire pour que l'anxiété d'Angus se libère comme un neurotransmetteur du désespoir. Pourquoi rester ici ? Pourquoi lui parler, pourquoi s'infliger ça ? Pourquoi lui infliger ça, à elle ? Angus et Eléonore ne font pas une bonne équation, ils le savent aussi bien l'un que l'autre. La dernière fois, ça s'est mal terminé. Ça s'est fini en feux d'artifices noirs—des explosions de misère, des montagnes russes de sentiments négatifs. Tout son corps veut l'entraîner dans une direction opposée à elle, comme un aimant repoussé par son pôle contraire. Et comment se sent l'aimant, lorsque des vagues de nervosité physique l'assaillent ? Il sourit, tel un parfait imbécile.

Il sourit en se rappelant une soirée d'Halloween où elle leur avait fait des costumes à tous les deux ; elle était une princesse des citrouilles, à la manière Tim Burton, et lui, un prince des vampires version skateboard, chemise en jeans, crocs ensanglantés et tout. Halloween avec Léo le rendait aussi heureux que Noël chez ses parents : c'était voir quelqu'un complètement dans son élément, les yeux brillants, comme si jamais rien de meilleur n'allait lui arriver. Il sourit en se rappelant les yeux brillants d'Eléonore, mais cela ne sert pas à grand chose, parce que ce sourire se rappelle parfaitement qu'il y a longtemps que ces yeux ne lui appartiennent plus. Il ne sait pas vraiment s'ils lui ont déjà appartenu, en fait. Lui, lui il lui a appartenu. Longtemps. C'est une bonne raison pour sourire—et pour s'enfuir en courant.

LÉO—Tes cours se passent bien ?
ANGUS—Quoi, ce vieux truc ?

Il pointe son sarrau, haussant les sourcils. Il a oublié exactement depuis combien de temps il a coupé les ponts avec elle.

ANGUS—Ouais, pas mal. Les choses marchent bien. À ce moment-ci l'année prochaine, j'aurai fait la moitié de ma médecine. Et toi, ça va ?

Angus hoche la tête, incrédule.

ANGUS— J'arrive pas à croire que je ne savais même pas que tu étais à Oxford.

Things change. And friends leave. Life doesn't stop for anybody. C'est ce qu'écrivait Stephen Chbosky dans Perks of Being a Wallflower. C'est vrai aussi pour les amoureux transis de seize ans qui ne savent pas, qui ne se rendent pas compte qu'ils ont encore toute leur vie à vivre et que les passions de l'adolescence, comme l'eau sous les ponts, passe. Avec les années, la désillusion, insidieuse, remplace peu à peu l'idée de l'infini que l'on avait auparavant. Les choses qui semblaient importantes n'ont finalement occupé qu'une fraction de qui l'on est et, au-delà de la déception immense qu'a été pour lui la fin de l'époque Eléonore, c'est ça—l'idée que tout ce qu'ils ont eu s'enfuit avec les minutes qui passe—qui lui fait de la peine.

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❝ Your ex-lover is dead ❞
Angus & Eléonore

Une pensée un peu bête qui traverse l’esprit d’Eléo en ce moment-même, c’est qu’elle ferait une parfaite aspirante comédienne. Elle parvient à donner l’impression qu’elle est assez à l’aise, qu’elle ne cherche pas une excuse à la con pour que leur conversation se prolonge. La banalité, c’est la seule alternative qui s’impose à elle : parler des cours. Et ainsi, voir où en est Angus, même si elle ne se fait aucun souci pour lui : s’il y a bien quelqu’un qui est en mesure d’atteindre ses objectifs, c’est bien lui. Il y a donc plus d’encouragements que de surprises dans le sourire qu’elle lui adresse, même si on peut y distinguer une pointe de soulagement : sans elle, il se débrouille visiblement nettement mieux. Lors de leurs phases d’éloignement, avant la réelle séparation, il arrivait que Léo se fasse la remarque qu’Angus était mieux sans elle, comme si elle parvenait à prendre aléatoirement conscience qu’elle pouvait l’entraîner vers le bas. C’est d’ailleurs en grande partie cette certitude qui a fait qu’elle a tenu aussi longtemps éloignée d’Angus, sans céder à son envie d’aller lui parler les rares fois où elle l’avait aperçu. Tout comme cela l’avait retenue d’essayer de trouver de ses nouvelles via les réseaux sociaux, ou encore de mener une enquête sur le campus pour en apprendre plus sur lui.

C’est en se contentant d’un hochement positif qu’elle indique que ses études se poursuivent bien. Elle ne préfère pas s’étaler sur le sujet, car, si son père n’avait pas insisté pour qu’elle continue à Oxford, elle se serait sans doute arrêté à l’issue de sa 4ème année. Mais son père veut qu’elle aille aussi loin que possible. Avant le chapitre « Olivia », Eléonore s’était mis en tête qu’il agissait ainsi pour compenser l’absence de la mère, qu’Eléo ait toutes les clés en mains pour se construire un bel avenir et qu’elle puisse lui montrer à côté de qui elle était passée. Depuis l’arrivée d’Olivia, la jeune artiste est persuadée qu’il culpabilise qu’elle n’ait pas eu la vie qui lui était destinée et qu’il veut donc compenser de son mieux le niveau de vie auquel elle n’a pas pu goûter. Ce qui, par ricochet, met Léo mal à l’aise, à tel point qu’elle a accepté de suivre encore une année universitaire, sans garantir d’aller plus loin : hors de question qu’il s’endette pour une fille qui n’est pas la sienne...

La remarque d’Angus lui arrache un haussement de sourcil ironique : bien entendu qu’il ne pouvait savoir qu’elle était à Oxford : « Ca t’aurais été compliqué de le savoir, vu qu’on tous deux cessé de se donner des nouvelles. », lance-t-elle, sans traces de reproches dans la voix, mais avec une pointe de regret tout de même. « Et nul ne pouvait te le dire : nous n’avons jamais vraiment eu les mêmes amis. ». Et c’était déjà ainsi même lorsqu’ils étaient ensemble. Ils avaient fait la rencontre des amis de l’autre, mais, au fond, ils n’avaient pas vraiment réussis à sympathiser avec eux. Il faut dire que les amis de Léo n’étaient pas des gens fréquentables et prenaient majoritairement un grand plaisir à railler les riches. De plus, Eléo n’avait jamais fait d’efforts pour sympathiser avec l’entourage d’Angus. « Je suppose que tu ignores que Miranda est morte. », annonce-t-elle tout en se passant une main dans ses cheveux, comme si remettre de l’ordre dans sa crinière a le pouvoir de calmer la douleur qui l’étreint à chaque fois qu’elle pense à sa vieille amie. Si elle parle de celle-ci à Angus, c’est parce que Miranda a été l’une de ses rares amies à ne pas cataloguer d’emblée Angus comme un gosse de riche, même si elle ne l’appréciait pas totalement, au moins parvenait-elle à tolérer sa présence sans le railler à chaque fois. « Enfin... Parlons d’autres choses, veux-tu ? », ajoute-t-elle, craignant d’avoir rendu l’atmosphère encore plus étrange, ayant toujours du mal à parler de Miranda et de l’accident. « Comment va ta sœur ? », demande-t-elle en essayant de repartir sur un sujet plus léger, même si elle n’a jamais porté Avery dans son cœur, jalousant la complicité qu’elle avait avec Angus.

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