(inachevé) caitlyn ღ laissez moi le temps de vivre

laisse moi le temps de vivre
Caitlyn&&rae

Mai et ses beaux jours venaient d’arriver, laissant derrière le crachin d’avril. Pour autant, « beaux jours » ne rimaient pas forcément avec repos – je n’arrêtais pas de courir d’un bout à l’autre du campus pour cause de paperasse. Avec le mois de juin arrivant à grand pas, les demandes de financement de thèses & cie pour l’année à venir se multipliaient. De deux à trois demandes par mois, c’était à présent une dizaine de dossiers qui atterrissaient par jour sur mon bureau, demandant une réponse ASAP.

ASAP. J’abhorrais l’acronyme de plus en plus, ne supportant plus de le voir griffonner au marqueur sur la couverture des dossiers. J’y voyais la représentation de l’ère actuelle. Une ère pressée, sans échange, si ce n’était que quelques insultes balancées dans les airs. Une ère digitale, malade, courant à sa propre perte. Qu’ils crèvent. Que crèvent tous ces étudiants qui se pensent plus intelligents que les autres, tentant d’expliquer par A + B que leur idée est meilleure que celle des autres. Que crèvent tous ces professeurs, courant derrière le financement comme ils courent derrière une vie qui leur échappe. J’aimerais leur cracher à la gueule, voilà. J’aimerais leur cracher mon mépris, sourire aux lèvres, avant de leur dire que leur demande est refusée.
Négation. Confrontation. Du Rae tout craché, comme m’avait fait remarquer le comité extraordinaire qui s’était tenu à Oxford lors de ma deuxième année afin de m’expulser. Aisling avait fait du bon travail, en Septembre dernier, plaidant pour ma cause. Douce Aisling, tendre Aisling : la demoiselle représentait tout ce que je voulais. Et tout ce que je détestais. Mais les faits étaient là, elle m’avait permis d’obtenir ce job qui me pesait de plus en plus. Et, surtout, elle avait gardé le secret. A part elle, peu de personnes connaissaient les raisons précises de mon départ pour UPenn.

J’en soufflai, battais des pieds sur le parquet ancien de mon bureau avant de tourner la page du dossier. Les fautes grammaticales de la candidate me sautaient aux yeux. Et si le dossier aurait pu mériter financement, j’avais un quota à respecter. Une limite des fonds à distribuer. Je m’emparai du tampon avant d’estampiller le papier d’un « refused » rouge et gras. D’un geste sec, je refermai la pochette avant de la déposer en haut du tas des refusés. A vu d’œil, l’ensemble faisait bien 10 fois la hauteur du paquet des admis. J’hésitai à en rire, d’un rire gras et puissant, mais je me contente de m’étouffer.

En plus d’être synonyme d’examens, le mois de mai marquait le début du rhume des foins. Les yeux gonflés et rosies, je peinais de plus en plus à lire les motivations et réussites des candidates. Car et un éternuement toutes les deux secondes avaient le mérite de flinguer mon moral. Mary, la secrétaire à deux balles du bureau voisin, avait d’ailleurs passé la matinée à entrer dans mon bureau pour me demander comment j’allais. Lui répondre que j’allais bien ne semblait pas calmer la blonde qui, après s’être interrogée quand à mon état, ne pouvait s’empêcher de m’amener thé et scones. Si cela partait des meilleures intentions du monde, sa mièvrerie et sa gentillesse m’exaspéraient au plus au haut point. Lorsqu’elle pénétra dans mon bureau pour la énième fois pour me dire que j’avais rendez-vous avec Dawson (ce nom me rappelait vaguement quelque chose), une infirmière au service de l’université, je quittais les lieux plus pour échapper à la blonde que pour  autre chose.

Par chance, le « cabinet » de Dawson ne se trouvait pas bien loin de mon lieu de travail. Que Dawson me dise donc que ce n’était qu’une simple allergie et je pourrais enfin rentrer chez moi.