(inachevé) How would you like to die tonight? ♦ Eden & Ethan

Le manque. Cette sensation horrible qui vous consume au fil des heures qui passent. Je ne parle pas du manque d’une personne ou d’un lieu mais du manque de drogue. Le pire manque qu’il puisse exister. J’avais ruiné toutes mes réserves du mois en à peine deux jours. Des centaines de grammes partis en si peu de temps. Je me demande même comment mon corps a pu survivre à tout ce merdier. Mais n’empêche qu’il me faut de la drogue. Il m’en refaut maintenant. Ça ne fait que deux jours et je ressens déjà le manque bordel, ce putain de manque qui me fait ressembler à un zombie. Je retourne une dernière fois l’appartement. En vain. Rien dans les pots de fleurs, rien dans les casseroles, rien dans la table basse. Rien nul part et ça me tue. De rage, je donne un coup de pied dans la grande lampe du salon qui tombe et se casse en mille morceaux au sol. Génial putain, bravo Winchester. Je jette un coup d’œil à l’horloge de la cuisine et remarque qu’il est dix-neuf heures passée. A cette heure-ci, Ethan doit sûrement être au parc aux daims à compter ses bénéfices du jour. Ethan est mon dealeur, un des plus connu d’Oxford. Il a toujours de la bonne qualité et ce soir, j’espère qu’il aura des trucs forts.

Je sors de mon appartement en trombe et une fois dans la rue, je fous ma capuche sur la tête et m’allume une clope. L’air est humide et je peux sentir la pluie. Les trottoirs sont eux aussi trempés et j’ia de la chance que la pluie s’est enfin arrêtée. Je zigzag entre les passants, pressée de retrouver celui qui me fait planer. Littéralement. Deuxième clope. Le tabac n’arrive pas à atténuer cette putain de sensation de manque, cette impression que si on ne prend rien dans la minute qui vient, on va s’effondrer et crever comme un chien. J’aperçois enfin les arbres qui peuplent ce foutu parc. Troisième clope. Putain je n’ai jamais autant fumé en si peu de temps, les passants me dévisagent d’un air mauvais. Par chance, les daims ne sont pas encore là. Ce qui veut dire que les portes sont grandes ouvertes. Ce qui veut dire que je n’aurais à affronter l’espèce de concierge qui répète les consignes de sécurité à chaque putain de visiteur. Je mets peu de temps à repérer Ethan, assis à la lisière du petit bois alors que l’herbe est mouillée. Mais bon, il n’y a personne vu le temps, nous sommes donc seuls. Parfait.

A peine suis-je arrivée qu’il me crache sa fumée au visage. L’odeur du cannabis met tous mes sens en alerte et le manque se fait encore plus ressentir. Le surnom qu’il me donne m’arrache un sourire ironique. Utilisant le même ton que lui, je réponds :

« Tu penses toujours à moi, ne te voile pas la face Mills. »

Puis il se couche, continuant à fumer. Au diable l’herbe mouillée, je m’assois à côté de lui.

« Effectivement je suis en manque. En manque et avec beaucoup de fric. T’as quoi à me proposer aujourd’hui ? »

Puis ne tenant plus, je lui prends son joint des mains et tire une longue, trop longue, bouffée qui me fait tourner la tête. Je recrache la fumée dans les airs puis reprends une taffe. Je la garde un peu plus longtemps à l’intérieur de mes poumons et la recrache, lentement. Puis je m’allonge à côté de lui, le joint toujours dans la main.



    

Le pire lorsque l’on se drogue à grosse quantité c’est lorsque vous n’avez plus rien. Plus un gramme. Nada. Au début vous essayez de compenser avec autre chose. Clope, vodka, whisky, encore une clope, mais rien. Cela ne suffit pas il vous faut un truc d’encore plus fort. Un cocktail Molotov, un truc qui vous envoie toucher les étoiles en une seule bouffée, une seule pilule. Et je ne connaissais qu’une personne dans tout Oxford capable de réduire cette foutue sensation de manque. Ethan Mills. Il a une réputation que l’on ne fait plus, tous les étudiants d’Oxford le connaissent. Certains l’envient, d’autres voudraient le voir mort. Je ne sais pas vraiment dans quel groupe je me situe. Je l’envie parce qu’il se fait de l’argent sans vraiment travailler et il est respecté de tous mais d’un autre côté, lorsqu’il fait sa gueule de con, j’aimerais le voir mort. Lorsqu’il me dit qu’il ne peut pas venir m’apporter ma commande, j’ai envie de le tuer. Enfin tout ça c’était avant, maintenant c’est moi qui viens à lui et il le sait car à chaque fois il a exactement ce dont j’ai besoin. Et quand je viens à lui, il sait que je suis en état de manque, il sait que je suis inférieure à lui et que je pourrais faire tout ce qu’il me demande. Mais qu’il sache tout ça, il n’en a jamais trop joué. Car je suis une de ses meilleures clientes et que s’il joue trop avec moi,  je me trouverais bien un autre dealeur. Les dealeurs sont faciles à trouver, les clientes comme moi beaucoup moins.

Je n’attends pas sa réponse à ma requête et prends directement le joint qu’il tient entre ses doigts. Ce n’est pas assez fort mais ça me soulage. Putain que ça me soulage. Mon corps se détend peu à peu bien qu’il en demande encore plus. Beaucoup plus. Mais cette herbe fera l’affaire pour le moment. Puis enfin la raison pour laquelle je suis ici : le business. Ethan me demande ce dont j’ai besoin tout en se rapprochant de moi avec sa voix charmeuse, trop charmeuse pour être honnête. La dépression ? Non, impossible. Je ne suis pas de ce genre de personne. Certes j’ai la ferme intention de mourir mais je ne suis pas dépressive. Les dépressifs ont rarement le courage d’aller jusqu’au bout. Alors que moi, si.  Alors qu’il se tient à côté de moi et que la chaleur de son corps me réchauffe, je me redresse et lui réponds :

« La dépression ? Je t’en prie Mills, c’est pour les faibles. Je veux juste découvrir un tout autre monde, je veux planer plus haut que je ne l’ai jamais fait. Et cette fois, je veux le faire avec toi parce que je ne t’ai jamais vu défoncé alors que toi, tu m’as déjà vu plus d’une fois. »

Sur mes mots, il se redresse à son tour afin d’atteindre son sac, la caverne d’Ali Baba. Je sais qu’il y a mille et une merveilles à l’intérieur, mille et une façons de me faire planer, de me faire toucher les étoiles. Je le regarde chercher tout en finissant le joint. Puis soudain, une grosse audi sort de nulle part et passe devant nous, à pleine vitesse. Le conducteur roule stratégiquement dans la flaque se trouvant devant Ethan et le voilà trempé. Vraiment trempé. J’ai moi aussi reçu quelques éclaboussures mais ce n’est rien comparé à lui. Il ne bouge pas d’un cil et moins non plus. Je connais ce genre de réaction. Il contient tout à l’intérieur et je sais que si j’ose rire, il s’en prendra à moi. Enfin je n’ai pas peur de lui mais je ne tiens pas à crever avant l’heure. Et puis je n’ai même plus la force de rigoler pour être honnête. J’expire une bouffée du précieux joint non atteint par l’eau et un « putain » résonne dans l’air. Il a explosé. Sans que je n’ai le temps de réagir, il se rue sur moi et m’empoigne par le col, m’empêchant de respirer correctement. Ce qu’il me dit me fait écarquiller les yeux, jamais je ne l’avais vu comme ça. Une fois qu’il me relâche, je tousse et porte la main à ma gorge tout en lui hurlant:

« Mais t’es un grand malade Ethan ! Tu veux que je raconte ça à qui ? Je ne suis pas une de ces putains de commères bordel ! Et puis ce n'est pas non plus un truc grave qui va te ruiner ta foutue réputation »

Puis il se détend et me prend la fin du joint alors que j’allais le porter à mes lèvres. Je roule des yeux lorsqu’il me dit de ne pas rire et je lui réponds sarcastiquement :

« Je suis morte de rire Mills, ce que c’est amusant de te voir trempé, les cheveux collés sur ton front.»

Je me déplace afin de me mettre assise en tailleur juste en face de lui. Je le regarde droit dans les yeux afin de lui demander :

« Bon t’étais parti pour me montrer ce que t’as. Mais avant je propose qu’on aille à l’abri avant que l’un de nous ne se fasse tremper à nouveau. Surtout que vu le ciel, il va pleuvoir. La cabane du jardinier à l’autre bout du parc est vide, faute de jardinier. Tu me suis ? »

Sur ces mots, je me lève et tends une main à Ethan, toujours assis dans l’herbe.