(abandonné) (justin) it's been awhile

Se laisser abattre : en aucun cas une constante Walshienne, même si l’envie est présente. Depuis le 21 mars, soirée du gala de charité, je ne peux plus vagabonder dans les rues d’Oxford sans faire tourner des têtes. A mon passage, les doigts se pointent et les conversations se taisent pour laisser place à un sourd murmure. C’est elle, disent certains, persuadés d’être discrets. C’est moi, leur rétorqué-je les dents serrées, consciente qu’ils ne peuvent pas m’entendre. Dans tous les cas, je ronge mon frein et avale toutes les remarques sans pour autant aller raser les murs. Les photos de nus, affichées aux yeux de tous lors du gala, étaient les miennes. Point final, je ne vais pas le démentir – je ne vais pas non plus le crier sur tous les toits. Et si, un mois après, j’ai espéré que l’histoire se soit tassée : ce n’est pas le cas. La faute ? Celles des rumeurs. Celles d’Oxymoron. Celles de tous ces crétins finis, arrivés à Oxford grâce au statut de maman (ou de papa) et non grâce à leur QI, qui ont préféré prolonger un peu la blague en prenant en photo les photos (inception !) pour les ressortir dans des conversations plus tard. A eux, j’aimerais leur arracher la tête. En attendant, la personne qui m’insupporte le plus, c’est celle qui a manigancé toute cette histoire. Qu’elle se tienne à carreau : si je la retrouve, je l’humilie tout aussi publiquement que ce qu’elle a fait. La dénonce auprès des autorités pour diffamation ( ? ) et atteinte à la vie privée. Ou quelque chose de ce genre. Je sais que Justin n’est qu’enquêteur pour la police scientifique (et que, de facto, ça ne doit pas être dans son domaine) mais je reste persuadée qu’il peut m’aider. En attendant, j’ai une requête toute autre à lui faire part. Et l’envie d’oublier toutes ces conneries en allant embêter Noémie.

Avant de sonner à son appartement, je regarde une dernière fois mon cellulaire où s’affiche un énième SMS de Kennocha – à vrai dire, je ne sais pas si je dois m’en amuser. Ou en pleurer. La demoiselle est une de mes plus proches amies, faisant ses études sur Cambridge (là où j’étais encore l’année dernière), ayant été présente lors du gala. Je me souviens de son air outrée. De son pincement de lèvres si écossais et si maniéré : sa manière à elle de dire qu’elle était désolée et qu’elle n’en revenait pas. Alors, depuis ce jour-là, elle est partagée. Partagée entre accélérer son transfert de dossier pour Oxford pour passer plus de temps avec moi et me réconforter ; et annuler son transfert de dossier (répétition) pour ne pas avoir à côtoyer la déchéance et le manque de civilité dans lesquels Oxford s’enlise. Je pianote quelques secondes sur le tactile, lui dis que je l’appelle plus tard dans la soirée. A un moment entre dix-neuf heures et deux heures du matin, en fonction de ce que je vais faire après. Une fois fini, je range mon téléphone pour frapper à la porte de l’appartement. A peine ai-je eu le temps de taper plusieurs fois qu’une tête blonde vient m’ouvrir.

« Hey, tête de linotte ! Tu vas bien ? »
« Breeeeee, »reprend-elle avant que je vienne la serrer dans mes bras et passer ma main dans ses cheveux. Et, dans un murmure, elle ajoute : « Puis je m’appelle Noémie. »
« Juuuustiiiin ? J’suis làààà, » m’écrié-je tandis que Noémie porte ses mains à ses deux oreilles. Discrète, la Walsh ? Jamais.

Prenant mes aises, je vire mes converses dans l’entrée et glisse déjà en chaussette de l’entrée jusque dans la cuisine, ma cousine sur les talons.

Une journée tranquille avec sa petite sœur, ça arrivait beaucoup moins qu’avant, la petite n’est plus si petite, elle va trainer avec ses amis plutôt que de rester avec son grand-frère, c’est normal, elle arrive à l’adolescence, c’est une préadolescente maintenant et parfois Justin l’oublie au plus grand malheur de sa petite sœur. Ça ne les empêche pas de bien s’entendre et que tout reste comme avant, elle a gardé son cœur d’enfant ce qui fait plaisir à Justin. Lui n’a pas eu une enfance de tout repos, avec son père violent, il a au moins pu protéger sa petite Noémie de toute cette violence, du moins il l’a fait du mieux qu’il le pouvait.

Ce matin, il avait été courir Hatchi, leur chien, un labrador noir avec une ligne blanche sur le ventre, c’est quelque chose qu’il faisait tous les matins, le sport fait parti de sa vie, il n’est pas le plus costaud, mais ça l’empêche pas d’apprécier le sport. Pendant ce temps, Noémie avait terminé ses devoirs et avait regardé la télévision. Les deux vivaient dans une belle petite maison achetée avec son héritage, il préférait une maison pour sa sœur et Hatchi, qu’un appartement, ainsi ils avaient une cour arrière où il pouvait laisser Hatchi jouer. Après sa course, il avait pris une douche et s’était installé derrière son ordinateur pour regarder ses courriels. C’est à ce moment qu’il entendit la porte, ça devait être Bree, sa cousine, elle lui avait dit qu’elle devait passer. Il laissa Noémie aller ouvrir, il pouvait les entendre d’où il était et il eut un sourire en entendant Bree taquiner Noémie. Puis il ferma ses courriels quand il entendit Bree l’appeler. « J’arrive, deux secondes ! » Il n’avait pas crié comme elle, mais il avait haussé le ton pour être sûr qu’elle puisse l’entendre. Il vérifia qu’il s’était bien déconnecté, c’était le compte du travail, donc il ne voulait pas que Noémie tombe sur des documents qu’une enfant ne devrait pas voir.

Il quitta la pièce qui lui servait de bureau et de salle d’ordinateur, comme il préférait ne pas laisser d’ordinateur dans la chambre de sa sœur, avec tout ce qu’il a vu dans ses cours et au travail, il est peut-être un peu surprotecteur à ce niveau et sûrement plusieurs autres niveaux. Quand on connaît son histoire, on sait pourquoi il peut être aussi protecteur. Il alla rejoindre les filles et serra sa cousine dans ses bras. « Bree, je suis content de te voir, tu devrais passer plus souvent ! » Noémie se pressa d’approuver les paroles de son frère en disant qu’elle ne la voyait pas assez souvent. C’est vrai que Noémie adorait sa cousine. « Comment tu vas ? T’as l’air en forme ! Tu veux quelques choses à boire ? » Il adorait sa cousine, elle était très importante pour lui, elle avait été d’un grand soutien pour lui quand il s’est retrouvé avec la garde de sa petite sœur en même temps qu’être étudiant à l’université en criminologie.

Il se rendit dans la cuisine pour se servir un verre d’eau et attendre voir si Bree voulait quelque chose à boire pour la servir.

A peine le pied posé dans l’antre de Justin qu’une partie de mes doutes s’envole ; tant et si bien que je me demande si je ne cherchais pas un prétexte (quelle idée !) pour justifier ma présence. Le sourire de Noémie éclaire son visage et apaise mon agitation ; malgré la période de préadolescence qui pointe son nez, elle garde son côté innocent et bon-vivant. J’en souris, lui souris en retour tandis que la voix de mon cousin me parvient aux oreilles. J’ai à peine le temps d’échanger un coup d’œil complice avec la gamine qu’il débarque dans la cuisine, tout aussi content que moi de le voir ; embrassades et bises dérobées, à croire qu’on ne se voit pas souvent. Ou, plutôt, pas assez. Il faut dire que les heures de Justin sont devenus plus chaotique – j’imagine – depuis la mort de Balthazar. Et que les miennes – entre recherches, concerts et matchs de football – ne sont pas allées en s’arrangeant.

« Bree, je suis content de te voir, tu devrais passer plus souvent ! »
« Autant que possible. Autant que possible… », hasardé-je tandis que Noémie semble se ranger du côté de son grand-frère. J’hausse les épaules, comme pour indiquer que mon emploi du temps ne m’appartient pas totalement. J’hausse les épaules, simplement.
« Comment tu vas ? T’as l’air en forme ! Tu veux quelque chose à boire ? » lui demande-t-il alors qu’il se sert un verre d’eau. Plus par automatisme qu’autre chose, j’ouvre la porte du frigidaire et en sors une bouteille de jus d’orange.
« J’peux t’en piquer ? » Question rhétorique – je n’attends pas de réponse. Agitant le tetrapak sous les yeux de Noémie, je lui demande : « J’te sers aussi un verre ? »

Les deux verres étant servis, un rapide silence vient se poser dans la cuisine. Bien qu’appuyée contre le rebord de la table, je ne sais pas comment engager la suite de la conversation, comment l’amener au sujet qui me brûle les lèvres ; je n’ai aucune envie que Noémie découvre qu’Oxford est une ville-université où l’hégémonie des riches règnent, balayant sans état d’âme les personnes des classes moyennes et inférieures.
« Tout roule, » laissé-je finalement traîner, tentant d’englober toutes activités scolaires et extra-scolaires. « Juste … Je voulais te demander un truc Justin. On m’a volé mon portefeuille deux fois en à peine trois mois. » La première fois lors de la soirée de fin d’année … au sien d’Oxford. Et la deuxième fois, la même soirée où les photos en tenue d’Eve se sont révélées aux yeux de tous. « Par hasard, tu n’aurais pas accès aux caméras qui ont été installé lors du dîner de charité du 21 mars… » Je me doute que ce ne doit pas être dans ses cordes. Qu’il doit y avoir accès sans pour autant vouloir partager avec moi les informations de peur que ça retombe sur lui. Faut dire que ça ne serait pas très professionnel… mais d’une grande aide. Comme un pas vers la vérité, un minuscule pas, d’ailleurs. Retrouver l’auteur du délit n’est qu’une manière de m’occuper l’esprit, d’oublier que ce n’est que la partie immergée de l’Iceberg, que le problème est bien plus profond.

Sa cousine était venue le voir, il trouvait qu’il ne la voyait pas assez souvent, mais c’était normal, avec leur horaire chargé, ils n’avaient pas vraiment l’occasion de se voir plus souvent. Il lui fit un sourire quand elle lui répondit qu’elle faisait comme elle pouvait, elle ne le dit pas dans ces mots, mais c’est ce que ça voulait dire. « T’inquiètes pas, je comprends, on a tous les deux des horaires chargés, mais quand l’enquête va être fini je vais avoir un peu plus de temps, on pourra se voir plus souvent dépendant de ton horaire. » Il lui fit un sourire et se servit un verre d’eau alors que Bree opta plutôt pour un verre de jus, il ne se donna pas la peine de répondre quand elle demanda si elle pouvait lui en prendre vu qu’elle ne pris pas la peine d’attendre sa réponse. Il la laissa servir sa petite sœur qui alla ensuite de son côté pour s’occuper laissant les deux plus vieux parler ensemble, d’un sujet délicat.

Il prit une gorgée de son verre d’eau et fut un peu surpris par la révélation de celle-ci, quand elle lui expliqua qu’on lui avait volé son porte-feuille deux fois en trois mois. Ce n’était pas normal, il se douta dès cet instant que quelque chose clochait. Elle était très importante pour lui, c’était sa cousine après tout, elle avait été présente pour lui quand il avait besoin d’aide. C’était normal qu’il en fasse de même, non ? Il ne fut pas vraiment surpris quand elle lui demanda s’il avait accès au caméra de surveillance qui avait été installé durant le dîner de charité. En effet, vu son poste, qu’il était en charge de l’enquête, il avait accès au caméra et il pourrait parfaitement regarder les enregistrements pour voir qui s’en prenait à sa cousine. C’était peut-être le hasard, mais deux fois en si peu de temps, il avait quelque doute. Il ne voulait pas se dire que c’était le hasard et apprendre un peu plus tard que sa cousine avait des problèmes avec quelqu’un.  « Oui j’ai accès au enregistrement des caméras de surveillance, si je comprends bien tu aimerais que je regarde voir si je peux trouver qui t’a volé ton portefeuille ces deux fois. » Il était un peu inquiète c’est pourquoi il ajouta : « Tu es sûr que c’est tout ? Il t’est arrivé rien d’autre ? Tu peux tout me dire tu sais. » Il voulait qu’elle sache qu’elle pouvait avoir confiance, il en était sûr qu’elle le savait, mais il préférait le dire, c’était sa cousine adorée, il voulait son bien-être, sa sécurité et surtout qu’elle n’est pas à s’inquiéter à cause de quelqu’un qui pourrait lui causer des problèmes.

S’il pouvait aider, il le ferait, peu importe si ça pouvait lui causer des problèmes, il saurait s’arranger, il ne serait pas le premier détective à faire quelque chose qu’il n’est pas censé pour aider un membre de sa famille. Il saura s’arranger si jamais, il avait des problèmes, mais il était facile de trouver une excuse pour regarder les vidéos, il l’avait fait quelque fois d’ailleurs, mais là il se concentrait sur le problème de sa Bree. Il lui fit signe de le suivre afin d’aller dans son bureau, il avait les DVD de surveillances des derniers jours, il les avait amenés avec lui pour les regarder plus attentivement quand il aurait le temps, c’était le temps de les regarder et à le faire chez lui, personne ne saurait qu’il les regardait avec sa cousine pour une autre raison que l’enquête. « Tu t’es fait volé quelle date ? Tu as une idée de l’heure que la personne a volé ton portefeuille ? » Il ouvrit son ordinateur pour mettre le bon DVD quand elle lui aura dit la date et l’heure.