Retrouvailles non recherchées...Kaya & Killian

 Ca y est, j'allais enfin rencontrer le groupe entier. Cela s'était fait tout à fait naturellement; Mischa m'avait permis d'utiliser leurs enregistrements pour quelques mixes, et il les avait adoré. C'était ce qu'il recherchait. Et mine de rien, même s'il était mon meilleur ami et que je savais qu'il aimait chacun de mes faits et gestes, cela me touchait énormément qu'il puisse apprécier mon travail. Comment l'avait-il dit déjà? Ce n'était pas Les Dingoes par Kaylyn, c'était Kaylyn et Les Dingoes. Je prenais un soin particulier à ne jamais dénaturer les musiques avec lesquelles je mixais, ce n'était pas mon but, loin de là. Moi, j'y ajoutais ma patte, la touche O'Hara. Et c'est ça qui avait plu à Mishca. Le fait que je respecte leur travail à 100%. Comment cela aurait il pu en être autrement, de toute manière; leur musique était géniale. Le rythme, les accords, les musiciens, la chanteuse... Breeony avait une voix splendide, et j'avais hâte de la rencontrer. Aussi parce qu'elle était la seconde personne la plus importante dans la vie de Mischa. Enfin, sans compter Eden...

Au fond, j'avais peur. Je connaissais Mischa, et il avait probablement dû parler de moi. Et en bien. Trop, en bien. Il devait probablement être surexcité, et c'est ce qu'il faisait, quand il était surexcité; il glorifiait les choses. Maintenant, j'allais devoir être à la hauteur. Eh oui, il m'arrivait d'appréhender les choses. Je n'étais pas invincible. Alors je m'étais préparée, pendant longtemps, avec son aide. J'avais mon jeans noir troué, avec un tee-shirt blanc à mon nom de scène, et mon perfecto en cuir noir. En tant que femme qui se respecte, j'avais opté pour des sandales à talons hauts, fins, crèmes à semelles rouges. Mes seules Louboutin. Après avoir fignolé mon regard charbonneux et choisi un simple baume à lèvres, j'avais simplement brossé mes long cheveux noirs. N'en fais pas trop, Kaya, ça va aller.
Excitée comme une puce, j'étais arrivée tôt, bien tôt, au point de rendez-vous. Mais je n'osais pas entrer. D'habitude si sûre de moi, je trouvais désormais une tonne de choses à revoir. J'envoyais compulsivement des SMS à Mischa qui n'était visiblement pas encore arrivé. Il essayait tant bien que mal de me rassurer, mais devait bien se moquer derrière l'écran de son téléphone. Je sautais presque sur place, mais j'avais froid. Alors, le cœur battant, je passais la porte.

 Il n'y avait pas tellement de monde, et je le repérais tout de suite. Il n'avait pas tellement changé, finalement, étant donné que je le reconnu dès que mon regard se posa sur lui, au fond de la pièce. C'est là que je réalisais connaitre le Killian dont me parlait Mischa. Son Killian, c'était mon Killian. Celui de mes vacances dans le sud, celui de mes 16 ans à peine. Celui de la petite brasserie où je sortais, un peu contre l'avis de mes parents. Le mec timide qui avait mis pas mal de temps à m'approcher, alors que j'avais grave flashé sur lui. Le brun ténébreux aux yeux perçants, légèrement plus âgé que moi. Ou alors quelques semaines de bonheur dans le cœur d'un adolescente, vite passées mais pas oubliées. Tous les souvenirs de ces vacances là me revinrent d'un coup. L'excitation d'une amourette de vacances, d'une relation à distance, puis de l'éloignement.
J'ai cette faculté de me détacher relativement vite de mes coups de cœur. Pas que je n'ai pas de sentiments, mais je ne suis pas fataliste. Je sais faire la différence entre le crush de vacances et l'amour véritable. Bien sûr que j'avais ressenti des choses pour Killian. Il était terriblement séduisant (visiblement toujours), mais il ne devait pas être l'amour de ma vie.

Quoique, lorsqu'il leva son visage et croisa mon regard, mon cœur loupa un battement. Ouais, il était canon. Et moi j'avais l'air bête à le fixer de loin, comme ça. Reprenant mes esprits et ma joie habituelle, je m'avançais. C'est pas vrai. Killian O'Sullivan? Je m'approchais souriante. Alors c'est toi, le Killian de Mischa? Si c'est pas le plus drôle des hasards! Je posais mon sac sur la banquette en face de lui et me penchais pour lui faire la bise sans lui laisser le temps, heureuse et amusée de me retrouver devant lui, de retrouver des morceaux de mon passé. Mon pays natale me manquait, surtout en ce moment. Comment vas-tu depuis cet été-là? Dieu c'que t'as gardé tes yeux de malade ! assenais-je en posant ma tête dans mes mains, le regardant en souriant.

 

 Revoir Killian état une réelle bouffée d'air tout droit venue de chez moi. Tomber sur lui, sans aucune préméditation, c'était un souffle d'oxygène. Parce que mon pays me manquait. Bizarrement en ce moment. J'aimas Oxford. J'adorais mes journées ici et les personnes avec qui je les passais. J'aimais être ici. Mais il n'y avait pas ma maison, il n'y avait pas ma famille. Mes habitudes me manquaient, mes paysages me manquaient. Bien sûr, j'étais une aventurière. Sans attache, sans aucune attache, j'aimais voir le monde, j'avais besoin de bouger. Une petite elfe sans port d'attache. Mais j'ai toujours porté une attention particulière aux merveilleux souvenirs que mes racines m'ont apporté. Je ne peux pas me battre contre ça, je suis irlandaise, et c'est probablement la seule chose à laquelle je serais toujours attachée, et qui saura me faire autant de bien que de mal. Et me noyer dans le regard de Killian, c'était comme un bain dans les lacs de chez nous; c'était vivifiant.

J'étais arrivée telle une furie auprès de lui, si bien que je n'avais pas eu le temps de réfléchir à mes actes. Pour moi, c'était comme ça que ça devait se faire, que ça devait être. Mais s'il n'était pas content de me voir, lui? Et si le souvenir que je lui avais laissé n'était pas spécialement bon, pour lui? Et s'il n'avait plus du tout de souvenir de moi, tout simplement? J'avais cette tendance légèrement impulsive d'écouter mon cœur plutôt que de penser aux conséquences de mes actes, sans penser que les autres puissent ne pas être sur la même longueur d'ondes que la mienne. Réalisant cela après avoir salué le jeune homme, je laissé mes yeux se perdre ailleurs un instant, réajustant mon tee-shirt. Des fois, je ne pensais vraiment qu'à moi.
"Mais...C'est toi qui travaille avec Mischa sur nos musiques ?" Une voix grave, bien plus que lorsque nous nous aimions. Plus posée, plus mature, sans aucun débordement. Lourde de... de tout. Il avait l'air d'avoir vécu, Killian. Il avait l'air plus renfermé qu'à l'époque. Et il avait l'air troublé, un peu. Par moi? Tant que ce n'était pas trop négatif, je prenais. J'ai l'habitude de prendre tout ce qu'il y a de bon à prendre. Ouais, l'optimisme, c'est moi.

 Mais pour le moment, je me forçais à ne pas l'analyser. J'étais juste contente. Ouf, il ne m'avait pas oublié. Il se souvenait de moi. Et pour le moment, qu'importe ce souvenir. Si il le faisait rougir, c'était un point pour moi.
Je lui adressais mon plus grand sourire, les yeux pétillants, fière. Redressée sur ma chaise, je liais mes doigts sur la table devant moi. Mischa t'en as parlé, alors? Quelle idiote, évidemment qu'il lui en a parlé. Qu'est-ce que nous ferions là, sinon. Je me trouvais soudain bien bête, mais continuais, pleine de bonne volonté. Oui, c'est moi ! ça fait un moment que je me suis découvert ça, je n'étais pas encore dedans quand on s'est connu... Mais apparemment je m'en sors pas mal ! Je marquais une pause, consciente que la situation me faisait parler vite. Bien trop vite. Bien trop, tout simplement. Tu as déjà entendu deux trois trucs? Tu aimes? J'avais peur que vous n'appréciez pas, au début. Après tout, Mischa est mon meilleur ami, il ne peut pas être très objectif!

Alors que j'essayais de paraître à l'aise avant d'entrer ici, m'entrainant devant mon miroir, je l'étais désormais un peu trop. Gesticulant sur mon siège, déblatérant ce qui me venait en tête sans faire le tri, je ne me demandais même pas si je pouvais le gêner. Enfin si, j'en avais conscience. Surtout voyant son regard, ses lèvres, la moue légèrement perdue qu'il arborait. Est-ce qu'il était déçu de ce que j'étais devenue? Ou au contraire, appréciait-il le spectacle de mes quelques années de plus? Mais je n'en avais que faire, en réalité. J'étais bien trop excitée. Et il devait se souvenir de quelques petites choses que nos semaines passées ensemble lui ont appris; je combat le mal par le bien, quelle que soit la situation et la chose concernée. Et si ma présence lui déplaisait, pour l'instant, je ferais tout pour qu'il finisse par l'apprécier. Ce n'étais qu'une question de temps.