Noël arrivait et, curieusement, Els se sentait quelque peu déprimé. Jusque-là, il avait toujours réussi à passer Noël en famille mais cette année, le châtain avait décidé de rester sur le campus d’Oxford car ne voulait en rien manquer la moindre soirée ayant pour thème les fêtes de fin d’année. Il voulait voir des gens se saouler à la bière de Noël, embrasser des tonnes de filles sous le gui, faire des batailles de boules de neige et lancer des cotillons sur maman Crowlley, son professeur favori. Ses grands-parents l’avaient invité à dîner avec eux mais Els avait refusé – à présent, il s’en mordait les doigts. Il était toujours temps de les rappeler pour dire qu’il avait changé d’avis, mais était-ce digne d’un astronaute se préparant à passer des années loin de sa famille ? Et, d’un autre côté, devait-il refuser de passer ses peut-être dernières fêtes de fin d’année avec ses proches, sous prétexte qu’il devait s’habituer à ne pas être avec eux lors des grands moments ? Voilà qu’Els doutait, de nouveau, de ses choix.
Comme pour se faire pardonner de son absence, ou pour tenter de se rapprocher de sa famille, il avait commencé à leur acheter des cadeaux – ou plutôt, à en fabriquer. Depuis bientôt trois semaines, Els s’échinait à construire un petit avion télécommandé, pour son père. Il était sur le point de finir un tableau pour sa mère, qui représentait (abstraitement) un sursaut gamma. Pour ses grands-parents, il avait fait développer des photos de sa vie à Oxford – en évitant les scènes d’orgies auxquelles il participait.
Et là, il venait de recevoir une longue lettre de son père, lui disant qu’il passait quelques jours en Angleterre, et qu’il aimerait vraiment voir son fils. Cela faisait deux, trois ans qu’ils ne s’étaient pas vu en chair et en os ? Chacun occupés par leur travail… « Ahannnn ngggggg aaaaaah » fut les étranges bruits qui échappèrent à Els, alors qu’il quitta sa chaise de bureau pour se rouler par terre, en collant la lettre de son père contre son visage. Que devait-il répondre ? Dire comme à ses grands-parents, qu’il ne pouvait pas, ou profiter coûte que coûte du peu de temps que pouvait lui offrir son père ? Même si le châtain n’avait pas de forts sentiments pour son géniteur, il lui restait quand-même très attaché.
L’alcool, voilà la réponse à ses problèmes ! Ou plutôt, le moyen de les oublier jusqu’à ce qu’il trouve une solution… si jamais il en trouvait une. Els tendit son bras pour attraper son téléphone, qui était tombé dans sa poubelle quelques heures plus tôt, renversa sa poubelle, râla et se mit à taper un SMS.
« sqdfnfggkkp »
Et il l’envoya à Autumn. Il ne restait plus qu’à espérer qu’elle comprenne qu’elle devait venir de suite, à dix heures du matin, le secourir. Ou plutôt, ouvrir avec lui une bouteille de rhum-vanille qu’il avait faite quelques mois auparavant, pour voir si elle était réussite… et la finir, bonne ou non. Parce que, Els ne voulait pas sentir la nostalgie, ce sentiment absurde, l’envahir. Il voulait être insouciant, heureux. Il voulait être cet étudiant qui semble n’avoir aucun souci dans sa vie, encore et toujours.
Finalement, il fit une boule de la lettre de son père et l’envoya sur la poubelle renversée ; et regretta son geste. Ce papier, son père l’avait griffonné avec tout son amour. Il avait son odeur, sa présence. Oh ! Pourquoi n’avait-il pas envoyé un mél, comme tout le monde ?
« Ramène à manger »
Envoya-t-il encore à Autumn, venant de se rappeler qu’il ne restait plus grand-chose dans ses tiroirs, à part deux-trois paquets de confiseries de Noël.
Accueil
