(inachevé) Jadina ✗ one in the same

Lorsque la sonnerie retentit au sein de l’université d’Oxford, Jade s’empressa de décamper à toute vitesse. Elle avait besoin de prendre un bol d’air frais avant de s’enticher de ses nombreuses obligations. Jongler entre ses entrainements et son parcours universitaire devenait, peu à peu, une mission quasi impossible. Forcée de constater qu’elle misait trop sur ses facilités à assimiler ses notes, elle avait eu tendance à délaisser ses cours. Une manie qui avait entrainé, fatalement, une première note passable. Cette ultime année était censée lui apporter confort et sécurité, un tremplin vers un avenir avéré. Il lui était donc impossible de divaguer vers d’autres horizons incertains quand bien même ceux-ci l’attiraient inéluctablement. Enfilant son bonnet sur ses ondulations cascadant sur sa nuque, le froid ne sembla même pas l’atteindre lorsque Jade entrouvrit les portes de l’établissement. Elle semblait ailleurs. Perturbée. Vulnérable peut-être. Tripotant l’ anneau doré à son index, elle s’avança vers la bibliothèque, l’esprit embrumé de divers souvenirs aussi troublants que salvateurs. Devait-elle le haïr à présent ? L’apprécier, le refouler ou bien peut-être l’attiser d’avantage ? Clyde Wellington était un mystère à lui seul. Il était détestable mais séduisant. Enigmatique mais visiblement joueur. Douce aliénation aux allures tranchantes. Comment se pouvait-il que sa destiné ait décidé de lui jouer un tel tour ? Jade n’était pas censée le revoir, certainement pas après cette soirée-là et surement pas à l’Université. Avant d’entrer dans l’un de ses refuges favoris, l’étudiante se retourna vers le croissant mordoré qui peu à peu prenait place au firmament. D’un air suppliant, elle semblait vouloir lui transmettre un message. Trouverait-elle un âme suffisamment douce à l’intérieur pour la guider aux travers de ses pensées ?

Les lumières tamisées de la bibliothèque, le bois délicatement vernis, le doux bruit des pages vieillies par le temps... Il émanait de ces petits détails réconfort et soulagement. Jade déambula à travers l’aile sud avant d’installer ses affaires sur une table légèrement éloignée des autres. Gage de tranquillité et d’intimité. Elle sélectionna par la suite plusieurs bouquins d’économie, l’un traitant de la mondialisation, l’autre des accords bilatéraux, nouvelle ère du protectionnisme. L’étudiante tira sur les manches de son pull en cachemire en guise de motivation et se plongea dans son livre d’étude durant une dizaine de minutes. Tandis qu’elle s’épanchait sur les cas évoqués, une petite voix qu’elle pouvait reconnaitre entre mille vint la tirer de ses réflexions. Relevant son regard vers son amie, Katarina, Jade lui adressa un charmant sourire. D’un air las, l’étudiante s’étira contre le dossier de sa chaise : « Si seulement il s’agissait d’un classique Anglais... Conjoncture économique actuelle. Un pur régal, tu devrais essayer Katarina. » Elle s’empressa de retirer ses affaires disposées sur le siège face à elle afin que son amie puisse s’installer. A deux reprises, elle fit tomber son stylo plume au sol et s’exaspéra de se retrouver tant perturbée. « C’est vraiment soporifique mais je n’ai pas le choix mon... prof d’éco a décidé de nous occuper cette semaine et je ne parle même pas du prof de gestion.  » Son professeur d’économie... Cette appellation s’associait à un goût on ne peut plus amère sur son palet.  Mordillant sa lèvre inférieure, elle referma son bouquin et s’appuya sur son bureau afin d’accaparer l’attention de son amie : « Alors, tu as passé une bonne journée ? Tu as quelques trucs à réviser du coup ? »

Katarina évoquait un mélange subtil, mêlant confiance et douceur.  Leur amitié était le fruit d’une passion commune : la littérature Anglaise. Patriotique jusqu’à la moelle,  Jade était de celles prônant haut et fort les mérites de son royaume. La jeune étudiante prenait un malin plaisir à défendre son pays lors des divers championnats auxquels elle participait. Volontairement, son accent britannique était très marqué, une signature indélébile difficilement imitable. De nombreuses fois, on lui avait demandé d’atténuer son intonation lors de rendez-vous officiels mais, un tantinet désobéissante, elle s’entêtait à préserver son timbre de voix. Généralement, Jade consacrait une heure par semaine à décortiquer un bouquin, curieuse de découvrir de nouvelles perles britanniques.  Néanmoins, cette petite routine avait dû être interrompue cette semaine-là au profit d’une étude économique.  Quand bien même cela était moins palpitant, Jade se devait de remplir ses obligations en premier lieu afin de gravir un échelon supplémentaire. Fâcheuse aliénation. Au bout d’une dizaine de minutes, Katarina fit irruption à ses côtés comme un signe de la providence.  L’étudiante décida ainsi de prendre une petite pause qui se voulait salvatrice. A l’instant même où elle referma son bouquin, elle sentit de nouveaux ses interrogations envahir douloureusement son esprit. Devait-elle avouer à son amie l’inavouable ? Les petites touches d’humour de Katarina avait toujours un franc succès et, pour cause, Jade pouffa à sa remarque : « Quelle chance j’ai de t’avoir ! » A deux reprise, l’étudiant fit tomber son stylo, comme si celui-ci s’avérait être le reflet de ses pensées : maladroites et troublées.

Elle repoussa son bouquin d’un geste lourd de sens et arqua un sourcil à sa remarque : « Oh crois-moi, je pense qu’on ne peut pas être plus poisseuse que moi. Surtout en ce moment.  » Mordillant sa lèvre inférieure comme pour bloquer ses mots, elle écouta son amie en gribouillant quelques graffitis sur le coin de sa feuille. Sa copie était officiellement bonne pour la refonte.   « Je pense que Jane Austen a mis la barre un peu trop haut. Mais ne perd pas espoir, tu sais bien que cette bibliothèque regorge de petits bijoux. Vous étudiez quoi en ce moment en cours ?» Jade faisait toujours preuve d’un grand intérêt concernant les études de Katarina. Intérieurement, elle admirait son parcours scolaire qui s’avérait être en total harmonie avec sa personne. Ce n’était pas forcément le cas de l’héritière Rawlinson. Forcée de constater que son cursus ne la faisait pas tant vibrer, elle tâchait cependant d’exceller dans sa matière en guise de motivation. Jade était le genre de personne à vouloir être tout et rien à la fois. Tout la passionnait, chaque petite parcelle d’information attisait sa curiosité et son bon sens. A son grand regret, l’étudiante ne pouvait pas fusionner plusieurs cursus et devait s’en tenir aux conformités. « Au fait je...  » La jolie blonde s’apprêtait à discuter du diner de Snell, soirée prestigieuse organisée par l’université lorsqu’un seul détail détourna son regard. Clyde Wellington écrit en lettres capitales au bas de son exercice. Jade devait en parler à quelqu’un, n’importe qui. Le moindre inconnu dans la rue aurait pu être sa cible mais Katarina était arrivée au moment opportun. Effrayée à l’idée que quelqu’un puisse entendre sa confession, elle jeta un oeil autour d’elle afin de vérifier que personne ne tendait l’oreille. « Il faut absolument que je te dise quelque chose. » Instinctivement, Jade se rapprocha de la table afin d’amoindrir la distance entre les deux amies :   « Tu te souviens cet été, je t’avais parlé du gars chargé d’inspecter les comptes de mon père. Celui qui avait tenté de m’embrasser juste après le repas de mes parents.  Tu sais, je le surnommais même Mr Boombastic parce que je le trouvais horriblement craquant et... Je l’avais repoussé pour je ne sais quelle raison tu te souviens ? Enfin passons. Eh bien ce type là est... » La jolie blonde baissa les yeux vers son livre d’économie, comme pour éviter d’en dire d’avantage. Katarina n’avait pas besoin de plus d’informations, elle avait saisit la nuance.