Lendemain difficile ~ Angelina & Eden

L’inconvénient des soirées, c’était bien les gueules de bois. J’en avais connu de belles mais celle de ce matin-là était coriace et tenace. J’avais tellement mal à la tête que le moindre bruit était amplifié et en plus de cela, impossible de dormir. J’ai cru que j’allais devenir folle et ces foutues aspirines qui ne faisaient pas effet. La douche froide n’eut aucun effet, la chaude non plus. Boire encore de l’alcool avait empiré les choses, boire de l’eau n’avait eu aucun effet. Je devais sortir de l’appartement, surtout que les filles n’étaient pas là, personne ne pouvaient m’aider et en plus, j’avais trop chaud, j’étais en sueur. C’est donc en jogging et en sweat que je sortis dans la rue. Je m’en fichais des regards des passants, je voulais juste trouver un endroit avec du monde mais calme. C’est avec ma capuche sur la tête et une cigarette dans la bouche que je trainais mon corps alcoolisé vers le parc de l’université. Je pourrais peut-être mieux dormir là, dans l’herbe avec l’air frais du matin.

Un fois arrivée au parc, il était pratiquement désert. Quelques cas comme moi qui n’arrivaient pas à décuver, les jardiniers mais sinon il était pratiquement vide. Je m’assis contre un arbre cherchant désespérant une bonne position pour calmer ce mal de tête. Je me retrouvai donc à moitié allongée à moitié assise, mon sac-à-dos me servant d’oreiller. Par chance, les jardiniers ne tondaient pas la pelouse et donc, c’était calme. Les oiseaux me relaxaient, le bruit du vent dans les feuilles me relaxait, j’étais bien ici. Tellement bien que j’ai réussi à m’endormir là, en pleine nature avec des gens autours. Mais franchement, je m’en fichais comme de l’an 40.

Je fus réveillée par une personne qui s’arrêta près de moi. Bordel, j’étais si bien, pourquoi faut-il toujours qu’on me réveille ? Je ne pourrais plus me rendormir maintenant, bien joué, merci bien. J’entrouvris les yeux à contre cœur pour voir qui m’avait réveillé et vis une jeune femme brune. Il me semblait que c’était une prof de l’université, professeur de philosophie même. Soupirant et remettant ma capuche sur mes yeux, je lui dis d’une voix endormie :

« Vous m’avez réveillé au beau milieu d’un rêve, que me vaut l’honneur ? »


   

J’aimais ma vie plus que tout. J’aimais vivre à fond, repousser mes limites, vivre comme s’il n’y avait pas de lendemain. Je sais que parfois je vais trop loin, je sais que parfois je dérape et tombe encore plus bas que je ne l’aurais imaginé mais chaque soir est une nouvelle aventure, de nouvelles découvertes. La vie mérite d’être vécue à cent pour cent et je compte bien profiter de ma jeunesse avant de me poser. Vivre, n’est-ce pas là la plus belle aventure que l’être humaine se doit d’accomplir ? Certaines personnes diront que je ne suis qu’une droguée et une alcoolique mais pour moi, je suis vivante. Certes une vivante droguée et alcoolique mais je vis pleinement cette vie que l’on m’a offerte et je ne compte pas gâcher ne serait-ce qu’une seconde. Enfin il y a une exception quand même : les lendemains de soirée. A chaque fois que je vais à une grosse soirée, je ressemble à un déchet le lendemain. Je me pose n’importe où du moment que c’est confortable et je dors pendant quatre ou cinq heure. Ça peut être sur un banc, dans un café, ou contre un arbre. Je me fous de la réaction des gens car les gueules de bois, il n’y a rien de pire. Le revers de la médaille comme je l’appelle souvent. Cette douloureuse impression d’avoir six grosses caisses à l’intérieur de ton crâne, je la connais plus que bien mais je ne sais toujours pas comment la gérer. A mon grand désespoir.

Ce matin-là je me suis retrouvée au pied d’un arbre dans le parc de l’université. Je pense que je n’avais jamais connu une telle migraine. Elle était tellement forte que je ne pouvais pas dormir, juste somnoler entre la conscience et l’inconscience en attendant que la mal s’en aille. Mais il ne part pas en un claquement doigt et je me souviens m’être droguée aux aspirines avant de quitter l’appartement pour me poser quelque part. L’aspirine, l’arnaque du siècle. Ils disent tous que cela agit en deux heures à peine mais au bout de deux heures, ton état est encore pire qu’avant. Mais on continue d’en prendre avec l’espoir que ces foutus médicaments fonctionnent enfin. Lorsque je suis dans cet état de semi-conscience, je ne peux ni ne veux parler à personne. Pas même mes coloc’ et elles le savent. Mais ce matin-là, lorsque l’on m’a réveillé, je ne pouvais pas ne rien dire à la jeune femme qui a commis le plus grand crime de l’humanité. Enfin je dis ça mais j’ai tout de même opté pour un ton joueur et non méchant. Même si j’avais enfin réussi à m’endormir lorsqu’elle m’a réveillé, elle n’était pas la cause de ma gueule de bois et je me suis dit que grogner ne servirait à rien si ce n’est que ruiner la journée de quelqu’un d’autre. Elle m’avait l’air gentille en plus et cela se confirma lorsqu’elle m’appela « minstinguett ». J’eue un petit rire à l’entende de ce surnom puis j’ôtai la capuche de mon sweat afin de la détailler et de ne pas avoir l’air d’une sauvage. Le jour me brûla les yeux et je dû plisser les yeux pour voir celle qui m’avait réveillé assise en tailleur à côté de mon corps en limite décomposition. Elle était bien habillé, lavée et je pouvais encore sentir ses effluves de gel douche. Je me redressai pour paraitre un minimum soignée et étendis mes jambes devant moi. Au bout de quelques secondes, je me suis dit qu’il fallait que je réponde à sa question. D’une voix rauque, je répondis :

« J’ai passé une soirée de folie mais il semblerait que le lendemain soit moins fou que cela… Vous ne sauriez pas comment faire passer une gueule de bois par hasard ? »

Mon ventre fit ensuite un bruit terrible. L’alcool digéré, mon estomac réclamait à manger. Mais il ne fallait surtout pas que je manger sous peine de devoir tout revomir dans la seconde d’après. Je dis à la jeune femme :

« Au fait, j’en oublierais mes bonnes manières. Je suis Eden, enchantée. »

Elle devait très certainement me prendre pour une sdf vu l’état dans lequel j’étais