Varsities ✗ épreuve de sport: Yani-Grey S. Mirigian VS Breeony I. Walsh

Aux premières heures du matin. Breeony avait été convoqué aux premières heures du matin, à cinq heures tapante, sur le terrain de Merton. Apres quelques échanges avec des Cambridgiens de son année, on lui avait appris qu’il s’agissait de ball-trap. Du ball-trap. Lorsqu’elle en avait informé Niall, son pote d’enfance, le jeune homme avait explosé de rire. Il l’a voyait aventurière courageuse, armée de son fusil à pompe, à déglinguer tous les oiseaux qu’elle voyait. Pour toute réponse, elle l’avait traité d’imbécile après lui avoir balancé le coussin du canapé en pleine tête, toute aussi hilare. Complices, les deux étudiants avaient surfé sur les méandres du net avant de se dire que la pratique valait mieux à la théorie. Le lendemain, ils avaient soudoyé le ground keeper qui les avait autorisé à tirer quelques disques. Niall et Breeony étaient revenus le lendemain. Et le surlendemain. Et le surlendemain, encore.

Mais le temps des entrainements et des batifolages étaient terminés. Aujourd’hui était un autre jour, comme pouvait le témoigner la foule installée derrière les gradins et ce bel éphèbe, à ses côtés, lui aussi équipé d’un gilet pare-balles. La blonde soufflait, anxieuse et excitée, alors qu’elle écoutait les dernières recommandations du jury. Elle sentait son palpitant qui s’emballait -  elle avait la rage de gagner. Lâchant un clin d’œil en direction de Yani-Grey (si elle avait bien saisi son prénom), la demoiselle s’élança en première dans l’arène. Respirant calmement, elle chargea son fusil comme elle l’avait fait les quatre jours précédents. Ses gestes étaient précis et sec ; elle était plongée dans l’instant. Plongée et rongée par son envie de gagner. Elle avait sa revanche à reprendre. « N’attend pas à ce que je te laisse gagner, gamin », osa-t-elle soupirer à demi-mots avant que le premier CLAC ne résonne dans les airs. Les yeux rivés dans son viseur, la blonde suivit des yeux le disque quelques secondes avant de tirer – manquerait plus qu’elle le rate.

Est-ce que je viens d’éclater le disque ?

Sous ses yeux ébahis (et certainement ceux des courages venus les soutenir à 5 heures du matin), le disque explosa sous l’impact de la balle, laissant une fumée grise et orange dans les airs. Sourire hissé à la commissure de ses lèvres, Breeony souffla sur son index avant de le pointer en direction de son adversaire. « 1 – 0, gamin. Montre-moi c’que t’as dans l’ventre.»

Provocatrice. Provocation. Provoquante. Pour Breeony, la provocation allait de pair avec la compétition. Avec quelques mots bien placés et une attitude conquérante, elle espérait déstabiliser son adversaire du jour. Adversaire qui, pour le moment, semblait s’en moquer. Le jeune homme affichait un sourire discret et perdu tandis qu’il levait les yeux au ciel. Et si les deux étudiants allaient passer la matinée à scruter des disques d’argiles en l’air, la blonde espérait que Yani n’y ferait pas trop attention, qu’il scruterait la voûte céleste pour montrer son désespoir plutôt que pour jouer le jeu. « Je n’ai pas besoin de tant de bonté ma jolie, concentre toi. » Pour sûr, concentrée, elle l’était. Elle avait réussi (certainement par le coup du hasard) à abattre le premier disque tandis que lui – lui ! –  l’avait laissé s’échapper. Avant le tir, Breeony l’avait vu (un court instant) perdre prestance. Comme s’il avait perdu confiance. Etait-ce là, la clé de la réussite ? Avait-elle réussi à le distraire ? Elle l’espérait bien. « Applique tes propres conseils, petit. Con – cen – tra – tion. »

Acide, Breeony avait insisté sur chacune des syllabes, les avait laissé traîner dans les airs comme un serpent qui siffle en traquant sa proie. Si elle ne réussissait pas l’épreuve physique, l’élève de Cambridge espérait néanmoins avoir une empreinte psychologique. Elle voulait l’enfermer dans son étau, le déstabiliser, lui faire perdre pied (pour les trente minutes qu’ils allaient passer ensemble). Quelques instants après le tir raté du jeune homme, le lanceur de disque lui demanda de s’avancer de nouveau. Gonflée par son succès, peut-être un peu trop confiante, Breeony indiqua « deux » avec l’index et le majeur. Elle voulait deux disques. Elle voulait tirer sur les deux. Elle les voir éclater en l’air, l’un après l’autre. Feintant de l’embrasser, lâchant un « SMACK » dans les airs en direction de Yani, Breeony se mit de nouveau en place, le fusil en joue. En ce moment, la blonde se sentait invincible.

Est-ce que je viens d’éclater le premier disque ? Et le deuxième ?

Jubilation. Doux son que celui de la réussite. Doux son que ce « CLAC » dans les airs. Mais si le premier disque avait éclaté, ce n’était pas le cas du deuxième. Elle l’avait manqué. Simplement. Un claquement de langue plus tard pour montrer son mécontentement, la demoiselle recula pour laisser la place à son adversaire. Greedy, greedy – elle savait qu’elle ne devait pas vouloir toujours plus. Toujours. « Hey. Focus cette fois-ci. Paraît que ça aide. »

C’était plus fort qu’elle – elle ne pouvait pas s’en empêcher. Dès qu’elle entendait le mot « compétition », l’égo de la demoiselle gonflait pour créer un monstre d’assurance. Elle savait qu’elle pouvait, elle savait qu’elle vaincrait. Poussée par un désir de réussite, la demoiselle s’avérait brute et ne mâchait pas ses mots, les déversant sans états d’âmes sur l’étudiant d’Oxford. Breeony s’attendait à ce qu’il rétorque, sur la défensive, mais il n’en fit rien. Rien ; ne serait-ce que de la regarder de haut en bas, sans lâcher un mot, les lèvres serrées. Crétin d’Oxfordien. Peu habituée à être ignorée de la sorte, la blonde croisa les bras, le fusillant du regard en retour. Dédaigneuse, elle le regarda s’avancer à la suite, scrutant avec insistance chacune de ses actions. Elle voulait le mettre mal à l’aise. Elle voulait le déstabiliser. Elle voulait lui faire perdre pied, le voir tomber, le voir rater. Au lieu de quoi, le jeune homme semblait reprendre la maîtrise de son corps, tirant sans l’ombre d’une hésitation, la main sûre.

Le lancer de son adversaire résonna dans les airs, joins par les cris des fervents supporters d’Oxford qui saluaient la première réussite de Yani-Grey. Le jeune homme se tourna en direction de Breeony, l’invitant à se lancer à la suite. L’archéologue s’avança le pas incertain, déstabilisée par son erreur de tantôt, par les encouragements des supporters et par la courtoisie de son adversaire. Et par ses yeux, aussi. L’Ecossaise ne tarda pas à s’y perdre, attirée par le vert profond, trébuchant alors qu’elle venait prendre son tour. Mettant son index en l’air, elle indiqua qu’elle ne prendrait qu’un disque cette fois-ci. Elle ne voulait pas rater son tir une deuxième fois.

BANG. En plein dans le mille ! Une nouvelle fois, une poudre orange se dispersa dans les airs, laissant un large sourire fleurir sur les lèvres de la blonde. A présent, il ne restait que deux disques à éclater pour qu’elle remporte l’épreuve. Plus que deux. Et lui, ce Yani, avait peut-être la réussite à portée de main s’il réussissait les deux tirs suivants. Putain. Il n’avait pas intérêt à la battre sur un coup de chance. Voulant jouer la carte de la distraction, toujours subjuguée par le vert des yeux de Yani, Breeony commença à jouer avant les boutons de son t-shirt, caché sous son gilet pare-balle. Oui, s’il s’agissait de gagner, la blonde était prête à tout.

Ou presque.