rosenbach △ hardcore kids do it better

The best part of me was always you

Angus et Avery. Avery et Angus. Une fois, il était six heures du matin et on était montés voir le lever du soleil sur le toit de la maison de nos parents, on se passait un joint et c'est là que je lui ai dit : tu sais, il n'y a rien au monde de plus bizarre que nous deux. C'est comme si, à la fois, on était la même personne, mais qu'on était complètement différents. Des fois, j'ai l'impression qu'on est au même endroit—pas l'un à côté de l'autre, des fois j'ai l'impression qu'on se superpose. Mais des fois, tu es juste à côté de moi et je ne pourrais pas te toucher, parce que tu es à des millions et de millions de kilomètres. Il n'y a rien de plus bizarre que d'avoir un jumeau. Tu te rappelles quand on se convainquait qu'on avait un lien télépathique ? Tu te rappelles quand on pleurait parce qu'il faudrait un jour se séparer ? La vérité, c'est que, d'une certaine manière, on sera toujours à la même place, au même moment. Et la plus belle, la plus grandiose partie de moi, ce sera toujours celle qui te ressemble, ma tendre soeurette. Avery et Angus. Angus et Avery.

we used to play outside when we were young and full of life and full of love

« He's so stressed out, honey, one day he's going to try to slice his wrists with a kitchen knife, I swear! »

C'est la veille de la première journée de maternelle. Avery révise avec une précision extrême tous les éléments de papeterie qui emplissent son sac à dos. Angus est assis devant le foyer, le reflet des flammes virevoltant doucement dans ses lunettes. Il n'a pas dit un mot depuis la fin du repas, où il n'a rien mangé. Cinq ans, et cet enfant aurait besoin d'au moins deux Xanax pour aller se coucher ce soir. Mais il a toujours été comme ça, même bébé : la gorge nouée d'anxiété, les yeux cireux, pleins de larmes. Avery, quand elle est sortie du ventre de sa mère, a crié immédiatement. Angus a pleuré doucement, comme apeuré. Les deux parts d'un même cosmos. Dès qu'il a su parler (et c'est dès ce moment qu'il a été très éloquent), Angus a été la risée de sa grande soeur et de son grand frère—ce ne sont, évidemment, que des tirades d'enfants—parce qu'il est plus doux et qu'il aide toujours maman à débarrasser le lave-vaisselle ou à laver le plancher, sans rouspéter ou quémander de récompense. Une fois, cependant, il a renversé une assiette et il s'est tellement fâché qu'il s'est presque étranglé en pleurant. À ce moment-là, papa a dit, c'est assez, et il l'a emmené chez le médecin. Le docteur a dit, ce n'est rien, c'est juste de l'anxiété. Une petite âme dans un petit corps. Faites attention—il se pourrait bien que les deux ne grandissent pas à la même mesure.

Et alors que maman, regardant son Angus auprès du feu, cherche une tactique d'approche douce, Avery descend les escaliers sur les talons et s'assoit à côté de son pareil, les cheveux ébouriffés de l'une se prenant dans l'armature des lunettes de l'autre.

A— dis, tu me feras pas honte, demain, à l'école ? Tu vas pas pleurer, quand même ?
A— mais... et si j'ai peur ?
A— t'auras pas peur, Angus.
A— comment tu sais ?

La petite fille croise ses doigts potelés d'enfant dans ceux de son frère.

A— parce que je serai là, voyons. Allez, tu viens faire ton sac ?

party till you pass out / drink till you're dead / dance all night till you can't feel your legs

Finalement, les choses ont tourné pour le mieux et l'univers a retrouvé sa balance : passé l'enfance, Avery a eu besoin plus d'Angus que le contraire. Il faut dire que le jeune garçon s'est bien épanoui : après l'école primaire, il a découvert le skate, la musique, et il a trouvé une bande d'amis parmi lesquels il s'est toujours senti bien, amis de sa soeur, au départ, mais qui sont vite devenus les siens. En plus, malgré le départ difficile, il excelle à l'école dans toutes les matières et à tous les niveaux. Seize ans, les jumeaux s'entendent comme larrons en foire, ils aiment plus que tout se sauver par la fenêtre du deuxième étage de la maison le soir pour sortir en boîte avec leur bande d'amis. Quelle meilleure période que l'adolescence pour découvrir les plaisirs de l'alcool ? Andrew éprouve de nombreuses difficultés avec les filles, son anxiété prenant rapidement le dessus lorsqu'il les approche, mais dans ces cas-là, Avery couvre ses arrières. Et pour l'ensemble des situations sociales, où elle ne se débrouille pas exactement comme un poisson dans l'eau, Angus est là. L'adolescence se termine sur une lettre d'acceptation à Oxford, où leur frère et leur soeur ainée sont déjà étudiants. Ils quittent Londres dans la même voiture, leurs valises à moitié pleines avec les affaires de l'autre, prêts pour de nouvelles aventures et de nouvelles pizza, dans l'atmosphère lourde des sessions d'examen.

Première soirée seul dans le dortoir, Angus a un peu de mal à respirer, les murs semblent se refermer sur lui. Son colocataire de chambre n'est pas encore arrivé, la pièce est trop grande, la pièce est trop petite, la pièce est trop chaude, la pièce est trop froide. C'est le genre de soir où la musique ne peut rien changer. Il ferme les lumières et s'enterre sous les couvertures. Demain sera le premier jour du reste de sa vie, et dans cette vie, il sera médecin. Trois coups secs sur la porte le tirent de sa léthargie. Après hésitation, Angus se lève, allume la lumière, ouvre la porte. Les cheveux rouges et les yeux brillants entrent dans la pièce sans demander. C'est un sourire qui calme toutes les inquiétudes. C'est une odeur familière. C'est un aura réconfortant. C'est Avery.

A— donc je suis allée louer les trois Human Centipede et j'ai acheté deux pizzas extra-larges. Ça te dit ?
A— (rire) Human Centipede, vraiment ?

Sans répondre, Avy saute sur son lit et insère le premier des trois films dans l'ordinateur portable de son jumeau.

A— hey listen. je sais que t'as peur. c'est une grosse étape. demain, tu vas devenir quelqu'un qui sera important dans l'avenir. mais je te promets, Angus, t'auras pas peur.
A— comment tu sais ?

Elle sourit et il sourit en retour. Il lui prend la main. Comme quoi, la maternelle n'est pas si loin, après tout. Elle non plus, elle ne sera jamais rien. Avery. Angus et Avery. Avery et Angus...

J'aime bien l'idée que les jumeaux aient les mêmes initiales
Bienvenue !