Qui dit week-end dit aussi service du soir à la Cote et donc retour un peu tard, et souvent grasse matinée pour suivre avec. Là j'étais tombé comme une masse un peu avant trois heures du matin dans le fond de mon lit. J'avais juste trouvé assez d'énergie pour troquer ma tenue de tous les jours - puisque ma tenue de travail était restée ... Roulement de tambours ... Au travail ! - qui avait atterri dans ma panière à linge pour un simple pantalon de jogging en coton épais gris foncé. J'avais aussi tiré un tee-shirt simple, blanc, avec le col ouvert en V, de ma commode, et finalement laissé là, tel quel, pour partir me foutre sous ma couette, que j'avais tirée jusqu'au dessus de ma couette. Et j'avais fait ma nuit d'une traite, un délice.

Je me sentais plutôt reposé, il fallait l'avouer, mais je n'avais aucune envie de me lever. Même pas en entendant la porte de ma chambre grincer, comme à chaque fois qu'elle pivotait sur ses gonds. Ce son avait le don de m'énerver, il faudrait que je pense à faire quelque chose contre ça. Même la voix de Léna, juste à côté de mon oreille, ne me motiva pas plus que ça à vraiment sortir du sommeil. Parce que bon, soyons honnêtes, j'étais presque réveillé, là. Ne me manquait qu'un peu de motivation. Et puis il fallait avouer que l'envie d'emmerder ma coloc' en faisant la sourde oreille était aussi terriblement tentante.

En sentant ses lèvres sur ma joue, je tournais la tête en grognant un peu. C'était surfait et j'avais du y mettre toute ma volonté pour ne pas exploser de rire. Mais j'étais assez content de n'avoir rien laissé transparaître de mon amusement. Juste la mine du mec qu'on dérange en plein sommeil et qui n'a pas envie de se réveiller, même si je savais parfaitement que je n'allais pas tarder à être tout à fait éveillé et sûrement un brin emmerdeur, vu comme c'était parti. Glandu ?! Oh mais elle allait me le payer cher. Et elle pouvait me secouer de toute ses forces, pour le moment, je continuais mon petit jeu. Ce n'est qu'en recevant un oreiller sur la tête - traîtresse ! - que je me décidais à arrêter la comédie. Non, à la place, j'ouvris bien grand mon regard vairon et passais rapidement mes bras autour de Léna, l'attirant contre moi et l'empêchant ainsi de continuer à m'attaquer, le tout dans un éclat de rire.

« Dis donc p'tit piaf, t'en as pas marre de m'attaquer dès le matin ? » Je la relâchais, un sourire en coin aux lèvres, ayant fait main basse sur l'oreiller dans la bataille. Je le calais derrière ma tête pour faire bonne mesure, m'étirant paresseusement. « T'as l'air d'avoir bien dormi, ça fait plaisir. » Vrai, je n'avais pas été réveillé en sursaut à cause d'une de ses crises de panique nocturne, et c'était tant mieux pour elle. « Que me vaut l'honneur d'un réveil aussi ... Joyeux ? » J'étouffe un bâillement, visiblement amusé par la situation plus qu'autre chose. Ouh cette journée risquait fortement d'être super marrante !

Ciarán & Léna

Cette petite comédie pouvait s'avérer plutôt drôle. Juste pour voir quels efforts ma colocataire était prête à déployer pour me réveiller, feindre la paresse n'était pas trop compliqué. Et puis il fallait quand même avouer, aussi, que j'aurais bien pu replonger le nez sous la couette pour une heure, vraiment, sans feindre le sommeil. Mais non, Léna avait décidé de me saquer du lit, visiblement. Alors après la douceur de sa voix et de ses cheveux chatouillant mon visage et manquant de peu d'avoir raison de ma concentration théâtrale - On comprend mieux pourquoi je fais Histoire Ancienne et pas Arts de la Scène, hein - vint la force, ce qui était quand même plutôt drôle vu le poids plume qui était en train de me jeter des oreillers à la tronche. Entendre sa protestation lorsque, finalement, j'ouvre les yeux et la plaque contre moi, fit jaillir un rire d'entre mes lèvres, puis je lâchais une petite phrase avec un peu d'amusement avant de la relâcher. Le son qu'elle émit fit remonter un sourire amusé jusqu'en haut de mon visage, ce qui fit en même temps pétiller mon regard. Sa phrase me fit hausser un sourcil, sceptique. Même si mon sourire ne quittait pas mes lèvres.

« Moi, mal luné ? » Je passais une main dans mes cheveux pour les repousser, car ils tombaient en bataille sur mon front. « J'ai plutôt l'impression d'être de super humeur ! »

Et pas encore bien réveillé, ça s'entendait avec mon accent bien senti. Honnêtement je n'avais pas fait le moindre effort pour le contenir, et à force ma coloc' devait avoir l'habitude de l'entendre ; il m'arrivait de jurer contre tout et n'importe quoi qui me chatouillait de trop près les nerfs en gallois. Il n'y avait bien que pour jurer que le gallois repassait dans mon langage. Mais je ne vous parle même pas de l'accent, du coup, surtout quand je ne faisais pas le moindre mini effort pour avoir la plus fine marque de mes origines dans mon langage. Enfin bref. Un sourire en coin étira finalement mes lèvres. Ce petit brin d'arrogance façon Ciarán.

« Je sais. Mais je n'avais aucune envie de me lever. »

J'ai conscience d'avoir éventuellement une légère tendance agaçante. Mais bon, je n'avais pas roulé Léna sur la marchandise, j'étais comme ça, un point c'est tout, et ça depuis le premier jour. Et puis, j'étais facilement vivable en théorie. Du moins elle ne s'en plaignait pas ... Trop. Mais bon. Je ne me referais pas, et j'avais sûrement un minimum de qualités pour qu'elle ne me foute pas à la porte comme un malpropre. Genre me préoccuper un peu de la qualité de son sommeil et être capable de rester assis en tailleur au bout de son lit une heure s'il le fallait pour l'aider à apaiser ses craintes, et ça sans jamais lui poser la question de savoir pourquoi. Aussi je cuisinais plutôt pas mal, du coup quand elle avait la flemme je m'y collais si j'étais là. Et j'évitais soigneusement d'être bordélique dans l'espace commun, ce qui devait plaider en ma faveur, non ? Mais ce n'était pas suffisant comme raisons pour savoir ce que j'avais fait pour mériter le genre de petit déjeuner au lit qu'elle venait d'apporter. Je me redressais donc, regardant d'un air gourmand le plateau qu'elle installait. Un sourire doux étira mes lèvres à sa réponse.

« T'es la meilleure Lénachou, je risque d'avoir du mal à te remplacer pour trouver mieux. Qui d'autre penserait à mon petit déjeuner ? » Je posai mon regard vairon sur le sien, franc, honnête. Puis je piquais un quartier de fruit que je fourrais dans ma bouche, l'avalant rapidement. « En plus ça serait vraiment, mais alors vraiment compliqué de trouver quelqu'un qui me supporterait plus d'une semaine. » Je piquais un autre quartier de fruit, l'avalant aussi vite que le précédent, avant de jouer du bout de mes doigts sur la tasse de chocolat. « Alors dis-moi, c'est quoi ton programme pour la journée ? Je suis curieux, t'as l'air trop de bonne humeur pour rester assise à me regarder sagement. » Je haussais un sourcil. Comme ça je devais avoir tellement d'allure qu'elle risquait d'exploser de rire dans la seconde, mais soit. J'adorais cette ambiance joyeuse à la maison, et en plus, c'était un dimanche, alors la journée offrait un million de possibilités.  

Ciarán & Léna