Allez, un pétard n'a jamais tué personne (Gwaine et Gaëlle)

 Je reprends lentement mes esprits. Mes paupières sont lourdes, j'ai la bouche pâteuse et je sens mon corps lourd. Mon esprit est encore embrumé par la dose que je viens de prendre. J'attrape un verre qui traîne et en bois le contenu sans hésiter. Merde. C'était pas de l'eau. Putain, qu'elle idée de laisser traîner un verre de vodka par terre ? Je sais à peine où je suis, en début d'après midi j'ai trouvé quelques personnes avec qui me shooter. C'est eux qui ont payé. J'imagine qu'on est chez eux, peu importe en fait. Je me lève difficilement. Je chancelle un instant avant de retrouver mon équilibre. Je repousse du bout de ma chaussure la seringue que je viens d'utiliser et je me dirige vers ce qui semble être la salle de bain. Une bouteille trône sur le lavabo, je la pose par terre avant d'asperger mon visage d'eau fraîche. Je bois une gorgée d'eau et tente de démêler sans succès mes cheveux. J'aurais bien besoin d'aller chez la coiffeuse moi... j'ai pas assez de fric de toute façon.

Je sors de la salle de bain, l'appartement est silencieux. Je récupère ce qui est à moi, vérifie que je n'ai reçu aucun message puis glisse mon téléphone dans ma poche avant de partir. Une fois dehors, je suis étonnée de voir qu'il fait déjà nuit.

-Putain, j'aurais du regarder l'heure avant, je râle contre moi même.

Je ne sais pas vraiment quoi faire ni où aller, je erre sans but dans les rues. Mon bras gauche commence à me faire mal. Je ne m'en souviens pas mais j'ai dû rater une première fois ma veine avant de me piquer et j'ai déjà un bel hématome... Je m'ennuie et quand je m'ennuie, j'ai envie de fumer. J'ouvre mon sac à la recherche de mon paquet de clopes et tombe sur un pochon qui contient encore de quoi rouler quelques joints.

-Encore mieux, je murmure.

Je m'isole dans un coin tranquille et roule mon pétard avant de l'allumer tranquillement. Le problème avec le cannabis, c'est qu'il n'a plus vraiment d'effet sur moi... Enfin bon, c'est toujours mieux que du tabac. Une fois mon joint fini, je jette le mégot et me remet en route. C'est à peu près l'heure d'aller en boîte, je trouverai bien quelqu'un avec qui passer ma soirée.

J'arrive devant la Camera Night Club, parfait. Une fois à l'intérieur, je repère rapidement Gwaine accoudé au bar, parfait, il y a moyen de passer une bonne soirée ! Je me dirige vers lui et m'installe tranquillement.

-Salut toi, je dis en m'approchant pour que ma voix couvre la musique assourdissante avant de lui ébouriffer les cheveux. Comment tu vas ?

Je ne peux jamais m'empêcher de l'embêter et de défaire un peu son image de fils de bourge. Je me tourne vers le barman pour commander un mojito.

-J'ai plus de thune, tu m'invites Gwaine ? je demande sans lui laisser vraiment le choix.

 Gwaine s’était laissé embarqué cette nuit, pour aller dans un bar où il n’avait pas encore été mis à la porte. Ou si c’était arrivé, il avait glissé un billet en arrivant, en jurant qu’il n’allait insulter personne ce soir, et se tenir à carreau. Mais rapidement, ses potes s’étaient séparés pour vaquer à leurs occupations, soit les concours de boissons et tout le reste et lui, le plus sage de la bande – quand il n’était pas avec Sasha en tout cas – s’était retrouvé seul comme un imbécile face à son verre de whisky, non sans battre le rythme des divers morceaux lui battant les oreilles à quelques mètres seulement. Il adorait ce genre d’ambiance, moins formel que ce qu’il avait chez lui, où la musique la plus violence qui passait était du Mozart… enfin, un tout autre niveau quoi, et le registre plus jeune était, pour sa famille, de la ‘musique de sauvage’… autant dire que découvrir le rock et tout le reste avait été un choc en arrivant à Oxford. Et les mois de vacances d’été étaient une torture pour lui… un ennui mortel.

Il était en train de commande un autre verre quand, à sa grande surprise, une main venait le décoiffer – les gens aimaient faire ça, pour le rendre moins lisse, moins bourge – et esquisser un sourire en reconnaissant son ami, Gaëlle Dubois, la petite française qui apportait de la folie partout où elle allait, sans doute parce qu’elle était rarement clean quand ils se rencontraient. Alors au lieu de s’énerver, Gwaine riait à ce geste et haussait un sourcil, toujours aussi surpris de voir le sans-gêne de cette personne. Mais c’est aussi pour cela qu’elle était rafraîchissante. Pas de chichis, rien de bien sérieux, rien qui ne marche selon le plan d’une étiquette qui sonnait comme vieillotte pour certaines oreilles.

« Salut Gaëlle ! » finit-il donc par la saluer. « En tête à tête avec mon verre, mais ça va bien, et toi ? »

Hum ? Payer un verre ? Bah… pourquoi pas, il avait les moyens de toute manière… et une si bonne compagnie ne serait que plus appréciée alors que tout le monde l’avait lâché en plan, et que la conversation du barman n’était pas la meilleur de l’année.

« Ouais bien entendu, tu sais bien que je ne peux rien te refuser. » lâchait Gwaine, se la jouant charmeur alors que voilà, lui savait ce qu’il savait… « Tu me jures de pas danser sur la table hein ? Sinon je ne promet pas de ne pas garder un souvenir en vidéo. »

  Gwaine, mon étudiant en droit préféré. J'ai toujours apprécié ce garçon, derrière ses attitudes de bourge, il sait s'amuser. Enfin surtout, il sait boire, du coup on rigole bien. Je regrette pas de lui avoir parlé lors de ma soirée d'intégration. Et je regrette pas non plus toutes les fois où on s'est bourrés la gueule ensemble. On en rigole bien de toutes les situations bizarres dans lesquelles on s'est mis alors qu'on était bourrés. Le seul problème c'est qu'il ne m'accompagne jamais quand je veux me défoncer. Monsieur ne touche pas à la drogue, jamais, même pas un petit joint. J'ai jamais compris pourquoi il refuse même quand c'est moi qui paye. En même temps c'est forcément moi qui paye, Gwaine reste loin de tout ce qui s'apparente à de la drogue.

Ça me fait plaisir de le voir ce soir. J'ai eu peur de rentrer dans la boîte et de ne trouver personne, ça aurait été vraiment con. Je lui lance un clin d'oeil quand il sourit alors que je lui ébouriffe les cheveux. J'ai toujours trouvé Gwaine mignon à vrai dire. Peut-être que je tenterai un truc quand on sera bourrés un jour, histoire que ça reste juste un coup d'un soir.

-À part que je me suis ratée en me piquant, dis-je en montrant mon bras, et que je me suis réveillée je sais pas trop où, ça va.

J'aime parler de drogue face à Gwaine, ça m'amuse de le voir si réticent à toutes les substances que je prends. Mais surtout, il ne me juge pas quand il sait que je me drogue ou que je me drogue devant lui.

Je remercie le jeune homme de me payer ma consommation d'un baiser sur la joue. J'aime me montrer ambiguë avec les gens, ça me permet de passer du bon temps parfois ou juste qu'on me paye de l'alcool ou de la drogue. Je n'abuse pas vraiment d'eux, après tout, ils obtiennent aussi ce qu'ils veulent. Je n'ai pas besoin de cette technique avec Gwaine mais c'est une habitude.

-Tu es un amour Gwaine tu le sais ?

Bon je vais en profiter pour bien me bourrer la gueule alors vu que ce n'est pas moi qui paye. Après tout, il a plus d'argent que moi !

-Eh je ne danse pas sur les tables ! je m'offusque faussement alors qu'il me fait comprendre que cela me suivrait toute ma scolarité.

Bon j'avoue cela a bien dû m'arriver une ou deux fois, mais tant que ça...

-On parle de la fois où tu as commencé à faire un strip-tease au milieu d'un bar ? je demande en haussant un sourcil.

Bon ce jour là, j'étais pas mieux mais qu'est ce que c'était drôle de voir Gwaine oublier un temps ses bonnes manières. Heureusement que j'étais encore assez bien pour m'en souvenir !

Gwaine grimaçait légèrement en voyant le bras de son amie. Il ne comprendrait jamais le plaisir de se foutre une aiguille dans le bras… là, c’était clairement un moyen de faire voir à tout le monde l’un de vos défauts, parce que personne ne serait assez con pour croire qu’une personne se faisait foirer des prises de sang tous les quatre matins. Mais surtout, il n’aimait pas savoir que Gaëlle ne savait pas toujours où elle se réveillait… appelez-le trop protecteur si vous voulez, mais le jeune homme trouvait ça dangereux, et avait toujours envie d’aller toucher deux mots aux connaissances de la demoiselle, pour leur faire savoir que s’ils osaient seulement profiter de son état second, il viendrait en personne leur mettre en kit le service trois pièces.

Mais non, Gwaine ne disait rien et se contentait toujours d’écouter et être indulgent, se jurant juste d’être présent au besoin, et de ne pas faire le moralisateur de service. Gaëlle était grande après tout, elle faisait ce qu’elle voulait.

« Il paraît que je suis adorable avec les gens oui, mais seulement ceux que j’aime bien. » rétorquait le russe, entrant de le jeu d’ambiguité de son amie en embrassant sa joue, mais déviant un peu plus proche de ses lèvres, juste pour s’amuser. Ils étaient comme ça, tous les deux.

Un rire franc lui échappait en entendant son amie s’offusquer alors qu’il lui rappelait qu’elle dansait parfois sur les tables, mais rapidement, lui-même finissait par s’étrangler alors qu’elle lui rappelait que pour sa part, il avait une fois commencé à se déshabiller au milieu d’un bar, faisant passer son visage au rouge vif alors que les bribes de souvenirs qu’il avait de cette nuit-là semblaient danser dans son esprit. En effet… il avait fait ça, mais se raclait la gorge pour reprendre contenance et trouver à répondre.

« Je te ferais dire que les gens en redemandait… et que je suis repartit avec quelques numéros ce soir-là, qui se sont soldés par de très bons coups…. » marmonnait-il donc, pas peu fier de ses aventures féminines et masculines. « Au fait, j’ai pu le finir au moins, ou on nous a flanqué dehors avant… ? »

Non parce que… autant le dire, le Gwaine n’est pas pudique du tout. Enfin, pas quand il est bourré en tout cas.

Je souris en voyant la grimace de Gwaine. Il fait toujours cette tête quand je lui parle de ce que je prends. Ce n'est pas drôle mais pourtant, ça me fait rire.

-Fais pas cette tête Gwaine, c'est juste un hématome, je commence en rigolant, comme si une infirmière avait raté une prise de sang tu vois ?

Dédramatiser, c'est la clé pour que Gwaine ne dise rien. Il me laisse me débrouiller avec mes conneries et il a bien raison. Ça en fait au moins un qui me laisse tranquille. Non, parce qu'un truc qui me gonfle vraiment, c'est tous ces gens qui n'arrêtent pas de répéter que la drogue c'est mal. Putain, qu'est-ce que je m'en branle de ce qu'ils disent. Mais non, ils continuent toujours.

Je rigole alors qu'il vient d'embrasser la commissure de mes lèvres.

-Heureusement que tu m'aimes bien alors, je dis avec un clin d’œil avant de boire une gorgée de mon mojito. Hum... pas assez de rhum, je déclare en grimaçant. Honnêtement un mojito qui manque de rhum c'est nul... Rappelle moi de ne plus prendre de mojito ici.

J'éclate de rire alors qu'il rougit quand je lui rappelle le jour où nous a fait un strip-tease dans un bar. Mon rire redouble d'intensité alors qu'il marmonne quelques arguments pour sa défense.

-Mais oui les gens en redemandaient, je réponds en lui ébouriffant un peu plus les cheveux.

Pas faux, il avait récupéré des numéros ce soir là, et moi aussi d'ailleurs. Certaines personnes devaient penser que j'étais comme Gwaine. Oh et elles n'avaient pas tord ! Il y a d'ailleurs une fille que j'ai revu plusieurs fois qui m'avait passé son numéro, c'était cool avec elle à chaque fois !

-On a... enfin tu as été viré avant, et je suis tellement généreuse que je suis sortie avec toi. T'étais pas en état de rentrer seul chez chez toi de toute façon, je réponds avec un sourire insolent sur les lèvres. Dommage que tu n'aies pas eu le temps de le finir d'ailleurs, j'ajoute en riant et en lui donnant un coup de coude.

Je rigole toujours alors que je fouille dans mon sac à main et en vide la moitié sur le bar à la recherche de mon pochon de cannabis.

-Putain, on y voit rien ici, je râle en passant à Gwaine un paquet de tampon pour qu'il me le tienne le temps que je continue de chercher.

Je trouve enfin mon pochon et le montre à Gwaine en même temps que je récupère mes tampons et que je remets tout en vrac dans mon sac.

-Tu fumes un joint avec moi ?

Juste un hématome… elle en avait de bonne… mais Gwaine se taisait et la laissait sur ce point. Ce n’était pas son rôle de la juger de toute manière, même s’il avait à cœur de la protéger, mais si elle ne voulait pas ou n’était pas en danger immédiat, qui pouvait-il prétendre être pour lui dire ce qui était bien ou mal ? Puis l’instant suivant, il riait en l’entendant se plaindre du mange de rhum dans sa boisson. Ah le drame de toute une vie… le mojito sans rhum… crime contre l’humanité !

« Bien sûr que les gens en redemandaient, des beaux gosses comme moi, y’en a pas dans tous les bars ! S’ils m’avaient laissé terminer, j’suis sûr que j’aurai fait bondir leur chiffre d’affaire avec tout le pognon qu’on m’aurait donné, et les conso’ des gens en même temps ! Mais non, ce sont de gros coincés les gens ! »

Quelle plaie quand même… lui était à fond pour vivre à poil, et on l’en empêchait… nul… injuste… mais en effet, il avait été mis à la porte et de fait, la petite blonde avait été assez clémente pour le suivre, laissant derrière eux des cœurs éplorés de n’avoir pas été en mesure de le voir dans le plus simple appareil… mais que voulez-vous, la vie est injuste…

« Oh mais… tu sais que pour toi je recommence quand tu veux, même en privé si tu le souhaites... » soufflait le jeune homme, donnant un coup de coude joueur à son amie. L’instant d’après pourtant, elle fouillait dans son sac et lui une… boîte de tampons… dans la main, l’air parfaitement circonspect et gêné de tenir une telle chose… et vint alors l’éternelle invitation à fumer un joint… « Gaëlle, tu sais bien que je ne touche pas ça... » soufflait Gwaine. « Je suis déjà assez joyeux avec l’alcool… je préfère pas imaginer si je touche à tes trucs... »

Là, il risquait de ne plus répondre de ses actes, ce qui était assez flippant… qu’est-ce qu’il pourrait faire… ?