TEAM 3 ✗ Rae I. Fitzpatrick, Eliakim Crowlley, Alice Kensington, Maxime de Langlais, Iseult Kennedy

Les deux dernières semaines, Cornelius n’avait eu qu’un mot à la bouche : sécurité. Il passait son temps à cracher ces quatre syllabes – triste son coincé entre ses lèvres. L’ancêtre avait mal vécu ce qu’il s’était passé lors de son dîner, ne jurait que par une « sécurité renforcée », le crachait sur tous les toits. Ca l’exaspérait, la Rae, d’être bombardée par des mesures qui n’avaient pas lieu d’être. Ca la bouffait de voir autant d’agitation pour une célébration qui devrait se dérouler tranquillement. Oíche Shamhna ou la nuit d’Halloween : il n’y avait pas mieux pour raviver des souvenirs qu’elle pensait enfouis. Elle se rappelait l’odeur des bougies qu’on éteint. Elle se rappelait les couleurs des bonfires brillant au cours de la nuit.

Ajustant son corset tant bien que mal, l’Irlandaise avançait d’un pas vif dans les rues d’Oxford, maugréant contre des passants mal avisés. Elle soufflait devant leurs regards désapprobateurs, imaginait sa mère à leur place, les imaginait la juger. Rae avait la trentaine ; ça ne l’empêchait pas de se sentir petite et mal à l’aise. Le malaise. Arrivée à destination, elle s’impatienta devant les organisateurs, jouant de l’arbalète (morceau de carton recouvert de papier d’alu) sous leur nez. Las, ils la redirigèrent à quelques mètres de là : elle quitta les pavés de la ville pour rencontrer un sol un peu plus boueux. L’Irlandaise en grimaçait, craignant déjà la pluie, s’imaginait déjà enfoncer ses talons dans un sol meuble. Elle était définitivement des villes. Et puis, dans l’ombre, une silhouette finit par se dessiner. Rae plissa les yeux avant de laisser afficher un large sourire. « Et bien,cara , tu es divinement effrayant » lâcha-t-elle finalement dans les airs avant de déposer un baiser sur la partie non maquillée de son visage. « J’espère seulement que tes chakras sont ouverts, tu connais mon sens de l’orientation » s’amusa-t-elle, clin d’œil à l’appuis, en mémoire de leur séjour en Irlande pour la Saint-Patrick. Souvenirs, souvenirs. Souvenirs d’une tête rousse, aussi, l’an passé. Souvenirs d’une tentative de blagues à deux balles. « Oh tiens. Même la Kennedy a décidé de nous faire honneur. Ennuyée de ton statut d’expat, eh ? ». Rae et la diplomatie ? Ca n’existait pas.

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« Essayons de ne pas finir dans la boue », lui lança Eliakim sur fond de confidence, sourire aux bords des lèvres. Elle se souvenait du ruisseau et du manque de chance de son ami. Elle se souvenait de cette pente, glissante, qu’elle avalait dévalé sur les fesses. Elle se souvenait de leurs rires, aussi, avant que Rae-Ann ne vienne tout perturber. Le souvenir vint lui arracher un soupire tandis qu’elle portait finalement son attention sur son groupe. Franchement, elle ne pouvait pas s’imaginer plus chanceuse. Ou plus malchanceuse, elle ne savait pas encore. Tout ce qu’elle savait, c’est que le destin avait l’air de bien l’aimer.
Conneries.
« Alors, tout le monde est prêt ? » finit par lâcher le professeur de biologie. Il avait un sourire fin et un début de pattes d’oie au coin des yeux. Cette vision arracha un sourire éphémère à Rae qui, bientôt, retrouva un masque de rigidité. Un coup d’œil à Kennedy lui apprit qu’elle n’était pas la seule à ne pas être enthousiasmée par l’idée de s’aventurer dans un labyrinthe. Et cette pensée l’énerva encore un peu plus : elle ne voulait se découvrir aucun point commun avec l’autre rousse. Soupire. Triste sourire. Elle s’enfonça à son tour dans le labyrinthe, maugréant contre elle-même. Pour elle, Samain, c’était les feux de camps des bonfires. L’appel des esprits – ou, plutôt, leur célébration. Pas s’enfoncer dans le noir, à attendre d’avoir peur. En sus, Rae, n’aimait pas le noir.
« Qui m’aime me suivre » : les derniers mots d’Alice, hilare, alors qu’elle s’enfonçait dans la partie la plus noire du labyrinthe. Etait-elle sérieuse, la gamine ? S’arrêtant un instant, l’Irlandaise la regarda disparaître dans le noir aux bras d’Iseult tandis que son rire se perdait dans les airs. Rae avisa la partie éclairée, évalua le pour et le contre : seule mais capable de voir ou en groupe … mais un groupe propice à la séparation (vu qu’ils ne verraient rien dans le noir complet). L’Irlandaise grogna un instant, buta contre les derniers mots de l’autre blonde avant de les suivre. Qu’elle ne se méprenne pas, elle ne l’aimait pas pour autant. Avançant à tâtons, Rae avançait prudemment, la mâchoire serrée et les poings serrés sur son arbalète en carton. Elle ne put s’empêcher de laisser échapper un couinement alors qu’elle traversait ce qui avait la texture d’une toile d’araignée. Elle sentait la matière lui caresser le visage et les cheveux. Elle s’en imaginait couverte. « Crowlley femelle, tes idées à la con, tu peux te les garder » finit-elle par laisser échapper, acide. Heureusement, une feinte lumière pouvait être aperçue en fin de couloir. Enfin.

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Amusée par l’initiative de l’Université (mais effrayée par la tournure des évènements), Rae ne savait pas sur quel pied danser.  Elle se voulait légère et insouciante, pour ne pas dire sans peur, à traverser le labyrinthe. Elle se voulait acide, aussi, parce que c’était dans sa nature d’être exécrable, d’appuyer là où cela faisait mal tel un grand coup de stabilo là où l’erreur était commise. Quel ne fut pas son plaisir de pouvoir râler librement contre Alice, sans le moindre état d’âme, alors que le groupe s’enfonçait dans une partie non éclairée. Le sourire accroché au coin des lèvres, rouge carmin, l’Irlandaise suivait la troupe à tâtons. Perdue dans l’obscurité, elle se rattachait d’autant plus aux bruits ambiants. Le vent dans les feuillages. Une brindille craquant sous une semelle. Le froissement des vêtements ; agitation, fuite, déplacement. Un cri.

Son cri surtout.  Son cri. Celui d’Alice L. Kensington, Crowlley à Vegas, prétendumment Queen Bee d’Oxford. Qu’on se le dise, plutôt du style Queen Bitch ou Queen Barbie. Faut dire qu’elle avait la blondeur (et l’esprit, faut voir les notes) d’une poupée siliconée et la verve d’une gamine molestée par ses parents. Ah. La montée dans les aigus de la blonde arracha une grimace à Rae; bientôt, elle ne savait plus si c’était dû au smack mielleux des amants ou à l’horreur que ses oreilles avaient vécues. Haussant les épaules, la trentenaire continuait son chemin, faisant courir sa main contre la palissade. « Alice – Fitzwilliam va pouvoir râler. » Soupire. « Fitzpatrick, » la reprit-elle. Qu’est-ce qu’elle lui voulait encore? « Alice – Cul-de-sac, on fait demi-tour vers la lumière », lâcha-t-elle dans les airs, sur un ton de normalité. Dans le noir, Rae ne put s’empêcher de lever les yeux au ciel, se demandant ce qu’elle avait fait (de mal) pour se retrouver avec un tel groupe. Entre elle, la rousse et le mec masqué, elle était mal barrée. Heureusement qu’Elia était là. « Pas trop tôt. » laisse-t-elle entendre, demie-tonalité, pincement de lèvres. Tournant sur ses talons, l’Irlandaise se remit en marche avant de se prendre les pieds dans une branche. Elle tangua, preux pirate sur un navire à la dérive, moulina des bras pour récupérer l’équilibre avant de s’allonger à même le sol. Putain. Elle en pinça les lèvres, se surprit à en rire, se releva tant bien que mal. Décidément, elle n’était pas au bout de sa peine ce soir.

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D’un geste de la main, l’Irlandaise balaya les derniers résidus témoins de sa chute. La poussière flotta dans les airs avant de retomber lourdement sur le sol. Sol meuble et boueux. Par endroit, les talons de Rae s’y enfonçaient et ne s’en échappaient qu’avec un bruit spongieux. Décidément, l’université d’Oxford n’avait pas hésité à faire les choses en grand. N’avait pas hésité, aussi, à tomber dans le panneau de la capitalisation. Ce soir, Rae n’avait pas l’impression de revivre les mythes et légendes de son enfance. Non. Ce soir, Rae avait l’impression de céder aux caprices de la modernité et des faux-semblants. De la dépense luxueuse pour un prix ridicule : celui d’amuser et de faire tourner les têtes des étudiants et du personnel, gadgets puissants, aux dépends d’une cause plus nobles. Putain. Tous ces riches, là, lui rappelait son père et son déclin. Lui rappelait la connerie de l’être humain (la sienne aussi) et lui donnait envie de vomir. Pourtant, elle ne pouvait s’empêcher de continuer son chemin, la tête haute et le menton haut, dirigeant son petit groupe loin de l’obscurité. La vraie. L’obscurité totale qui lui donnait l’impression d’étouffer. De temps à autre, elle entendait Alice se plaindre et faire une remarque ; l’Irlandaise n’en souriait de plus belle. Autant elle l’exaspérait, la petite ; autant elle l’amusait avec son comportement de bourge gâtée. Rotten ; la blonde était pourrie jusqu’à la moelle, pourrie par ses parents (son père, le lord, précisément). Rotten ; la rousse était dans le même paquet, pourrie de naissance par la richesse de sa famille. Elles deux n’avaient jamais connu le besoin (Rae n’ont plus, de jeunesse) et ça l’énervait, la Rae. Parce qu’elles étaient identiques mais tellement différentes. Elle en soupira – un long soupir, un trop long soupir – avant d’accélérer le pas. « Faut qu’on trouve la sortie, j’n’aime pas cet endroit. » Et pas tellement la compagnie. Heureusement qu’Eliakim était avec elle.

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