(inachevé) land escape

you can't save me
jaimie & clyde

Les parfums tantôt épicés tantôt doucereux exhalaient du marché couvert d’Oxford. Lorsqu’une heure de cours était inopinément annulée à la dernière minute, ne laissant d’autre choix à Clyde Wellington que de s’occuper en attendant la prochaine, rien de tel que de se réfugier au marché couvert. Les étalages et comptoirs étaient toujours un délice pour les yeux, que l’on ait la fièvre acheteuse ou pas. Noël n’allait pas tarder à pointer le bout de son nez et déjà il annonçait sa venue en laissant une brise fraiche typiquement oxfordienne. Chacun des souffles du professeur était matérialisé par une brume éphémère et il se réchauffait du mieux qu’il pouvait avec un gobelet en carton de thé brûlant et bien parfumé. Il jeta ça et là des coups d’œil désintéressés jusqu’à ce qu’un stand d’écharpes conçus artisanalement n’attire son attention. Lui avait toujours été très moderne dans sa façon de s’habiller, tout comme la plupart des Wellington à vrai dire. Excepté pour sa mère qui malgré sa grande élégance vouait un culte inavoué aux écharpes tricotées main dans une laine noble et chère. Rien ne valait les petites mains anglaises pour s’envelopper de chaleur, c’était toujours ce qu’elle disait. Après chacun avait interprété l’adage à sa façon. Clyde laissa glisser sa main libre sur différentes étoffes, cherchant déjà la teinte parfaite pour sublimer la carnation de Katherine Wellington, un psychiatre renommée. Il avait beau être la statue froide et inatteignable, dès qu’il s’agissait de sa famille, il se montrait d’une bienveillance certes réservée mais bien réelle. « Laine écossaise ou anglaise ? » Il allait commencer à discuter avec le marchand, négocier le prix – quand bien même il avait de toute façon les moyens d’en offrir au moins une – quand il sentit une main se poser sur son épaule. L’homme n’aimait pas ces démonstrations physiques, cette proximité immédiate qui se créait lorsqu’on touchait quelqu’un. Sous son visage professionnel et placide, il était farouche parce qu’il savait trop ô combien il pouvait être rapidement touché. L’idée de rencontrer quelqu’un qu’il connaissait ne lui effleurait même pas l’esprit alors qu’il avait passé la plupart de son existence dans cette même ville. Resserrant légèrement la prise sur son pauvre gobelet, il se retourna prêt à incendier l’élève qui prenait ainsi ses aises. Autant dire que lorsque la silhouette et le visage de Jaimie se dessina devant lui, Clyde manqua d’en renverser son café sur les précieuses écharpes. Pourtant sur son visage, ne se lut qu’une brève surprise avant qu’il ne reprenne toute sa contenance. Il s’offrit quelques instants pour dévisager ce doux visage qu’il ne connaissait que trop avant que l’horreur de cette nuit-là ne revienne au galop le prendre à la gorge. C’était détestable, vain de la rejeter mais que pouvait-il faire. « Jaimie. » Faire comme si de rien n’était était encore la moins pire des solutions. Jouer les collègues bien que tous deux savaient qu’ils ne seraient jamais de simples collègues. Ils partageaient trop, elle détenait trop de clefs. « T’as pas d’étudiant à sauver en cette période d’examens ? » Il préférait encore s’intéresser aux cas désespérés des jeunes plutôt que sa propre situation tout aussi alarmante. Elle était toujours aussi belle, enveloppée de cet aura solaire qui rassurait quiconque venait la voir. Elle donnait envie qu’on lui confie tout, âme, cœur, secrets et faiblesses. C’était pourtant si dangereux d’abandonner tout ça dans les mains d’une seule femme que Clyde avait préféré les lui reprendre avec véhémence. L’œil affuté, sa stature droite et fière, il but une gorgée de son thé qui n’avait pas tout à fait la même saveur désormais.